Alagna sans voix !
L'édition spéciale Chorégies d'Orange 2012 consacrait dans son N°16 deux pages entières à Roberto Alagna. Deux pages dans lesquelles il se gargarisait et se comparait, dans sa façon de travailler, à Placido Domingo. Soit ! Le manque de modestie ne tue pas, mais, sa désastreuse prestation dans Turandot le samedi 28 juillet a dû faire se dresser les cheveux du ténor espagnol.
Installée sur mon petit coussin sur des gradins durs et inconfortables comme 8 000 autres personnes, j'attends, serrée comme une sardine, que 21 h 30 sonne pour pouvoir enfin entendre le grand Alagna, car il faut reconnaître qu'il a une com. qui fonctionne bien et qui sait mobiliser les foules. Dès les premières notes, j'ai le désagréable sentiment que son interprétation ne sera pas inoubliable car sa voix à dû mal à s'élever et à se distinguer de celles des chœurs. Je ne bronche pas, je ne suis pas experte en opéra, mais je sais lire et je ne peux m'empêcher de repenser à l'article du supplément des Chorégies que j'avais lu quelques jours plus tôt : "Je n'ai pas encore appris le rôle, pas eu le temps... Rassurez-vous, je vais m'y plonger sous peu. Cela va faire comme d'habitude : c'est dans l'urgence que je donne le meilleur.... quand on commence à être connu et que l'on doit assumer beaucoup de prises de rôle, on n'a plus le temps d'y consacrer des mois et des mois... il faut apprendre à travailler vite". L'article n'est pas daté, mais je suis journaliste et je devine que les propos sont récents, même si je tiens compte du temps d'impression. Les deux premiers actes vibrent par leur médiocrité. Sa présence sur scène est pratiquement aussi nulle que sa voix. Sa gestuelle raide et saccadée ressemble à celle d'un automate. Difficile de faire passer les sentiments d'un prince épris d'amour prêt à y laisser sa vie.
Fin de l'entracte. Une voix féminine nous demande de regagner nos places et deux minutes plus tard, une voix masculine, cette fois-ci, nous prie d'excuser, par avance, notre ténor vedette qui souffre (ça on l'avait remarqué), d'une maladie aux cordes vocales. A cet instant, je n'ose imaginer que le pire est encore à venir. Nous attendons tous le "Nessun dorma", le clou de la soirée, la raison pour laquelle nous avons dépensé plus de 200 euros et enduré cet inconfort. Il entame les premières notes. Je retiens mon souffle. Il ne va tout de même pas nous le massacrer. Nous attendons l'aria finale et rien, même pas un couac, plus de son, pas même une fausse note. Le silence. Roberto Alagna ou le prince Calaf a perdu sa voix. Il baisse la tête. Michel Plasson, le chef d'orchestre, continue, imperturbable, à diriger son orchestre. Le public, bon joueur, applaudit ce qui reste du ténor qui se décrivait lui-même, quelques jours auparavant comme "un chanteur atypique, un autodidacte qui travaille à la sauvage". Après un tel résultat, on l'aura compris !
De retour chez moi, ulcérée par cette piètre prestation et rongée par le sentiment d'avoir été prise pour une idiote, j’écoute le " Nessun dorma"' interprété par Pavarotti, puis par Placido Domingo. Cette comparaison accentue encore mon mal être. Je veux oublier cette soirée, oublier le nom de Roberto Alagna, ténor d'opérette qui déclarait : "J'aime les personnages qui vont au bout de leurs désirs et de leurs passions". Et bien moi j'aime les chanteurs professionnels qui vont au bout de leur engagement et de leur respect du public.
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