mardi 13 novembre 2012

Burundi : Et la bière coulait à flots !



Chaque année, depuis des décennies, Bujumbura vit un week-end en octobre, à l'heure allemande ou plus précisément à l'heure de l'Oktoberfest (fête de la bière). Cette initiative, comme on s'en doute, créée par un Allemand, est une véritable institution.

Diplomates, expats, locaux, tout le monde se précipite pour trinquer bruyamment et manger du jambonneau bien gras avec de la choucroute ou de la salade de pommes de terre. Les plus téméraires esquissent quelques pas de danse sur "eins, zwei drei, cha cha, cha" émis par un orchestre poussif dont la faible qualité musicale s' est encore étiolée au fil des années. Mais qu'importe, c'est la fête, on est là pour s'amuser, pour boire, et les chopes s'entrechoquent frénétiquement. Gott sei Dank (Dieu soit loué), on a échappé cette année aux tenues traditionnelles allemandes.

En fin de soirée, les rires de plus en plus gras couvrent la musique, les regards errent, et toute inhibition disparue, vous voyez, face à vous, un homme à l'équilibre précaire qui se lève et qui glisse sa main dans la poitrine opulente de sa compagne qui pousse un cri – d'effroi –. Puis, hilare, elle s'attaque à un expatrié assis à côté d'elle, qui ne souhaitait qu'une seule chose, boire une bière en paix.


Plus on est de fous et plus on rit, dit-on, mais quand on passe sa soirée avec une bouteille d'eau plate, notre lucidité nous pousse très vite vers la porte de sortie.

dimanche 11 novembre 2012

Burundi : une Tabaski sans mouton



Après avoir passé 25 ans au Sénégal et m'être régulièrement régalée chez mes amis le jour de la Tabaski, j'étais loin de m'imaginer que l'on pouvait célébrer cette fête, ailleurs, en Afrique, sans sacrifier de mouton.

Bien sûr le Burundi n'est pas le Sénégal et le pays ne compte que 10 % de musulmans, mais une Tabaski sans mouton, c'est quoi ça ?

J'ai passé les semaines qui ont précédé la Tabaski à attendre les moutons. Rien. Alors que Dakar se transforme chaque année en "enclos" à moutons et que la fête alimente toutes les conversations, j'ai traqué le bélier, posé des questions aux quelques musulmans burundais que j'avais rencontrés, mais en vain ! Bujumbura demeurait insensible à la fièvre du mouton. Le jour de la fête arrive. Il doit se passer quelque chose. Je guette les signes qui pourraient me rappeler "ma Tabaski". Une odeur de côtelettes grillées qui viendrait chatouiller mes narines, un boubou, un enfant endimanché, bon alors, un homme "embaziné" au volant d'un gros 4X4 (parce que ça, ça existe) et qui serait parti faire des salamalecs pendant que madame est au fourneau. Et bien non. Le néant !

Le lendemain, je vois Mohamed, un Sénégalais installé à Bujumbura. Mais dis-moi qu'est-ce que tu as fait pour la fête ? "Hé waï, vraiment, c'est un casse-tête quoi, moutons amoul" ! Mais alors ? " man z'ai acheté un zigo de chèvre". "Bajul de", répondis-je, pleine de compassion.

Une semaine plus tard, assise au Club house du golf, j'ai voulu en savoir plus. "Pourquoi est-ce si difficile de manger du mouton dans votre pays" ? j'ai aussitôt senti la consternation dans les regards. Ça ne peut être qu'une étrangère pour poser une question aussi stupide. "Mais le mouton, ce n'est pas de la viande noble, c'est de la viande pour les pygmées". Ah oui, alors vous ne viendrez pas à mon méchoui, insistai-je en souriant. Le silence fut leur réponse. J'ai compris que ma prochaine Tabaski serait tout aussi inexistante que la première. Au fait mes amis, vous faites quoi l'année prochaine à Dakar ?

PS : Désolée pour ma transcription du ouolof !

Burundi : Enfin du bon pain !


S'installer à Bujumbura après le Laos où l'on a plusieurs salons de thé, le pain de Bannetton et des jus de fruits fraîchement pressés, relève de la gageure. Stoïquement, on accepte de manger des croissants qui vous plombent l'estomac, des petits pains d'une redoutable élasticité et des baguettes qui se ratatinent au premier regard.

Les premières semaines au Burundi, on s'efforce de transcender ces petits détails (en espérant que cela ne va pas durer) et on se concentre sur la beauté verdoyante des collines et le lac Tanganyika qui s'étend devant vous. Mais, mais, mais, au bout de trois mois, plus de collines, plus de lac, on veut du pain, des croissants et des vrais !

Et un jour, l'incroyable arrive ! Une boulangerie pâtisserie salon de thé ultra moderne ouvre ses portes. La nouvelle se répand encore plus vite qu'une traînée de poudre. 
"Le Café Gourmand" est pris d'assaut et l'accès aux tables fait l'objet d'âpres discussions. Les expatriés l'assiègent littéralement et les Burundais qui ont délaissé les gâteaux multicolores à la crème s'adonnent avec délectation aux tartelettes aux fraises, éclairs au chocolat, mille-feuilles, opéras et autres pâtisseries. 

 
"Le Café Gourmand" a certes flatté nos papilles, mais il a aussi provoqué une petite révolution dans notre quotidien. Il est devenu l'endroit où il faut être vus et où les croissants se mangent avec un couteau et une fourchette, du bout des lèvres et l'auriculaire levé. 

Pour vous qui auriez envie de venir me voir au Burundi, inutile de vous donner mon adresse. Rendez-vous directement au Café Gourmand. Vous avez mille chances de m'y trouver.

jeudi 8 novembre 2012

Les livres de Mo Yan et de Scholastique Mukasonga à Bujumbura !


Bujumbura, capitale du Burundi située au bord du lac Tanganyanika est pour beaucoup d'européens (sauf pour les Belges bien entendu), une ville énigmatique, lointaine, inconnue. D'ailleurs dites à quelqu'un j'habite à Bujumbura et vous  êtes sûrs que la personne s'y reprend à trois fois pour prononcer le nom et après l'avoir écorché, charcuté, interverti les voyelles et même, dans certains cas, ajouté des syllabes, votre interlocuteur vous fixe, l'air hagard, et vous demande dépité : "c'est où çà" ?

Mais oui, mais oui, Bujumbura est sur la planète terre et le Burundi a des frontières avec le Rwanda, la Tanzanie et le Congo Kinshasa. Ah s'exclame-t-on alors, les safaris, le génocide et Mobutu. A chacun ses références !

Image: Amazon.fr
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Aujourd'hui, je suis heureuse que cette ville, sans librairie, sauf quelques endroits poussièreux qui datent de l'époque coloniale où vous ne trouvez que des livres sur Jésus, ait depuis des mois, à l'Institut Français du Burundi, le livre "Grenouilles" de Mo Yan, prix Nobel de littérature, et "Notre-Dame du Nil", de Scholastique Mukasonga, le tout nouveau prix Renaudot.

Cette prouesse, nous la devons à la création des pages littéraires du mensuel IWACU que j'ai eu le plaisir de concevoir et démarrer. J'avais pu, en effet, à l'époque, recommander ces livres et les rapporter à l'Institut Français du Burundi qui les avait financés dans un souci de diversifier ses auteurs. Bien-sûr, l'auteur Chinois n'avait pas fait l'unanimité auprès des bailleurs suisses qui l'avaient jugé trop éloigné du petit Burundi. Mais la littérature, avais-je expliqué, c'est aller au delà de la politique du développement, des pays et des continents. Aujourd'hui, deux prix littéraires sont disponibles à Bujumbura et ce, avant même qu'ils ne soient décernés. Ça c'est un scoop !