samedi 21 avril 2012

atelier d'écriture à Bujumbura avec Michèle Rakotoson

Véronique, un étudiant burundais et Michèle Rakotoson
"Rêve brisé" est une nouvelle que j'ai écrite à Bujumbura dans le cadre de l'atelier d'écriture organisé par l'Institut français du Burundi et animé par l'auteure malgache Michèle Rakotoson. Expérience intéressante qui a facilité mon insertion dans cette ville que je ne connaissais pas. J'ai pu rencontrer différentes personnes et l'opportunité m'a été offerte de collaborer pendant quelques mois avec un mensuel, de créer et de coordonner ses pages littéraires.

RÊVE BRISÉ


Nouvelle
Véronique Ahyi-Hoesle

Les signaux lumineux clignotent, les passagers bouclent leur ceinture de sécurité dans une synchronisation parfaite, et la chef de cabine, de sa voix de guimauve, souhaite la bienvenue sur le vol Paris-Dakar. Le départ est imminent. Assise dans la toute première rangée, les yeux mi-clos, Chloé se laisse aller à la rêverie. Le Sénégal ! À 25 ans, elle va tenir la promesse qu’elle s’est faite à la mort de ses parents, survenue dans un accident de voiture une nuit glaciale de décembre, alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente. Elle deviendra médecin et mettra ses compétences au service de la population, loin de chez elle, là-bas où les gens démunis de tout, gardent encore le sourire. Les minutes s’écoulent et le silence interrompt la rêverie de la jeune femme. Étrange, pense-t-elle, les réacteurs sont muets et les hôtesses figées comme des cierges dans les deux allées latérales. Soudain, des hurlements retentissent à l’arrière de l’appareil. Des hurlements déchirants, des hurlements qui vous font froid dans le dos, des hurlements inhumains. Les passagers échangent des regards inquiets. Des rumeurs insensées se propagent et les interrogations fusent de toutes parts. Une hôtesse, dépassée par les événements, se hâte vers le cockpit et revient accompagnée du commandant de bord qui, dans sa précipitation, en a oublié sa casquette. Les curieux se tortillent, s’entortillent, se détortillent sur leur siège, allongent leur cou pour ne rien perdre du raffut, alors que les plus fouineurs, à la recherche du scoop, ont enlevé leur ceinture et se sont installés à califourchon sur leur siège. Mais que se passe-t-il enfin, s’interroge Chloé bouleversée par ces cris récurrents et, pour ne pas faillir au serment d’Hippocrate qu’elle a récemment prononcé, s’apprête à saisir sa trousse médicale dans le coffre à bagages, quand la grosse main de son voisin s’abat sur son avant-bras. « Du calme, jeune fille. Y’a rien de grave. Personne n’est malade dans cet avion. Dès que nous aurons décollé tout va rentrer dans l’ordre. C’est toujours la même chose ! » Freinée dans son élan, Chloé le regarde dubitative: « Que voulez-vous dire ? », s’étonne-t-elle. « Croyez- moi, vous verrez », répond-il avec un sourire, puis, estimant le débat clos, replace ses écouteurs sur les oreilles, sélectionne un nouveau morceau de musique sur son iPod et replonge dans son attitude d’autiste. À l’arrière de l’avion, les esprits s’échauffent. Les cris sont bientôt étouffés par les invectives des passagers et des doigts accusateurs se pointent en direction des trois sièges qui jouxtent les toilettes. Le commandant de bord, après s’être assuré qu’aucun passager ne nécessitait d’évacuation sanitaire, reprend les choses en main, tance les plus belliqueux et, exaspéré, s’en retourne à son cockpit. « Nous avons perdu assez de temps ! », lance-t-il. Nous partons maintenant.

Chacun réajuste sa ceinture, une hôtesse énonce les consignes de sécurité. Le silence se fait. Les lumières s’éteignent. L’avion roule lentement. Il se place en bout de piste prêt au décollage. Les réacteurs rugissent. Il s’envole. Chloé, rattrapée par une impitoyable réalité, regarde au loin par le hublot. À l’arrière de l’appareil, une femme, un foulard multicolore noué négligemment sur la tête, est assise menottée entre deux policiers en civil. Et elle pleure.

Pour la journée de la lecture

 La lecture aide à vivre dit-on car elle fait du bien à l'âme et déjà à l'entrée de la bibliothèque d'Alexandrie on pouvait y lire « Trésors des remèdes de l'âme ». Si des siècles plus tard, je reprends cette inscription, c'est qu'au fond, les vertus de la lecture sont toujours réelles et qu'elles nous apportent réconfort, douceur, force et courage.

Si loin qu'on remonte dans l'histoire, lire c'est découvrir, apprendre, comprendre, mais il ne faudrait pas oublier ses vertus thérapeutiques qui sont aujourd'hui reprises et même prescrites par certains médecins. Ainsi la bibliothérapie « soigner par le livre » se développe de plus en plus en Angleterre, aux États-Unis et au Canada.

Au 19ème siècle, un médecin américain le Dr Benjamin Rush recommandait qu'on aménage dans les hôpitaux une petite bibliothèque à l'usage des patients et il recommandait particulièrement les livres de voyage et les ouvrages aptes à distraire ou à amuser les malades. Après la seconde guerre mondiale, on prescrivait aux soldats souffrant de stress post-traumatique la lecture de romans.

Si on vit des épreuves, la lecture intense d'un ouvrage peut nous accaparer entièrement. On entre dans des vies intérieures et subtilement les choses se déplacent en nous. Une transformation s'opère en nous, une curiosité nouvelle s'installe et nous pousse à chercher des réponses à nos questions.
La lecture offre un torrent de bienfaits extraordinaire. Les expériences vécues par les personnages de fiction nous offrent un panorama immense des comportements humains, elle peut nous aider à changer des aspects de notre vie. Grâce au roman, nous pouvons entrer dans la tête d'un personnage et devenir ce personnage. Nous vivons une expérience cathartique. Notion chère à Aristote qui disait « la tragédie nous tient en haleine par la crainte et la pitié et c'est pour éprouver ces deux émotions que l'on se rend au théâtre ».

Quand on lit, à la différence de la télévision et du cinéma, ce sont nos voix qu'on entend. Ce sont nos visages, nos odeurs, notre décor, nos sensations qu'on imagine. On crée soi-même son film. On est tour à tour, acteur, réalisateur, metteur en scène et c'est une expérience unique et irremplaçable.

En cette journée internationale de la lecture je ne peux que rappeler son importance primordiale pour chacun de nous, sans distinction d'âge, de sexe, de couleurs, de milieux. Chacun doit pouvoir avoir l'accès à la lecture car qui que nous soyons, quelque que soit notre vécu, nos expériences, nos peines, nos douleurs ou nos joies, seule la lecture peut nous apporter la connaissance, la plénitude et la sérénité. Le livre est un univers magique qui repose sur les seules lettres de l'alphabet. Les mots nous permettent d'inventer, de rêver, de réfléchir, de vivre une diversité d'émotions, et dans un monde qui tend à se fissurer, la lecture ne demeure-t-elle pas plus que jamais, une source d'apaisement et de bonheur ?