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mercredi 29 juillet 2015

Sécurité renforcée pour les dernières répétitions de "Il Trovatore"

Il est 23 heures, lundi. La répétition a commencé depuis une heure quand, soudain, le chef d'orchestre cesse toute activité et se tient l'épaule. Une pierre vient de le toucher et d'autres ont été projetées sur les musiciens et les chanteurs. Les projecteurs sont aussitôt braqués sur la colline, mais il est trop tard. Les malfaiteurs ont détalé. La répétition est immédiatement interrompue. Le chef d'orchestre rejoint sa loge et les musiciens rangent leurs instruments. Après quelques minutes d'attente, on demande au public de bien vouloir quitter les lieux. Devant le théâtre un véhicule du samu puis arrivée de la police. Quelle sera l'issue ? L'opéra va-t-il être maintenu ? Le lendemain, nous découvrons que la répétition est maintenue mais avant de commencer, un agent de sécurité prend la parole pour expliquer les mesures mises en œuvre pour assurer la protection des musiciens et du public jusqu'au 5 août : interdiction de l'accès à la colline, présence d'agents sur la colline aux abords du théâtre, etc..

Le public accueille chaleureusement le chef d'orchestre pour avoir accepté de continuer sa prestation malgré les incidents de la veille. Un grand merci à lui !

dimanche 26 juillet 2015

Les chorégies d'Orange. Opéra. "Carmen, une erreur de Casting" ?

Je sais. Mon texte ne va pas faire l'unanimité. Mais j'écris ce que je pense, comment j'ai ressenti Carmen, en tant que spectatrice qui a le droit de s'exprimer.

A quoi s'attendre quand on va écouter Carmen ? A entendre une voix, belle, avec des cordes vocales, des vraies, qui emplissent le théâtre et transportent des émotions. Et puis, on s'attend à une Carmen pleine de fougue, d'insolence et de verve. Une gitane sans vergogne et libérée. Mais où était cette Carmen ici, aux chorégies d'Orange ? Je l'ai attendue, en vain. Je n'ai eu qu'une Carmen insipide, "aseptisée", belle, certes, mais sans caractère. Enfin, une Carmen sans panache interprétée  par la mezzo-soprano Kate Aldrich dont la voix n'était pas toujours audible. Était-ce une erreur de casting ? N'y avait-t-il pas d'autres interprètes disponibles ? Quelques jours auparavant, par curiosité, j'ai surfé pour voir quelles étaient les  interprètes remarquées de Carmen et j'avais été séduite par la prestation, au Covent Garden, de l'italienne Anna Caterina Antonacci pleine de charisme, de sensualité, et d'énergie. Comme on peut se l'imaginer.
Cet opéra  dirigé par Mikko Franck dont l'entrain n'était pas vraiment perceptible, m'a paru long et pesant et si vous ajoutez une mise en scène minimaliste composée de cartes géantes posées sur la scène (mais j'ai trouvé l'idée originale) et des costumes noirs comme la mort, je dois avouer que je n'étais pas mécontente après trois heures de voir Carmen poignardée par Don José. Comment s'ennuyer pendant cet opéra ? Heureusement Jonas Kaufmann qui a une voix magnifique et un vrai talent d'acteur et Inva Mula pleine de sensibilité dans le rôle de Michaela ont atténué ma déception. Après la générale j'étais prête à revendre ma place pour la représentation. Je me suis finalement ravisée, avec le secret espoir que Kate Aldrich se glisserait enfin dans la peau de son personnage et que Mikko Franck se réveillerait et donnerait plus de vie à cet opéra. Tel ne fut pas le cas. Bientôt Il Trovatore. Wait and see !

Les chorégies d'Orange, Concert symphonique "MAKNIFIK"

Huit mille personnes assises, en silence, sur les gradins inconfortables du théâtre romain d'Orange. Au programme ce soir, un concert symphonique avec au programme Berlioz, Poulenc, Saint-Saëns, sous la direction de Myung Whun Chung. Dans la première partie, Berlioz, Le Carnaval Romain. Excellent mais nous attendons tous le concerto pour pianos et orchestre en ré mineur de Poulenc. Les deux pianistes arrivent Nicholas Angelich et Martha Argerich. Le public les acclame mais laisse percevoir sa préférence pour la pianiste argentine aux cheveux gris. La soirée est douce. Le mistral a cessé de souffler et les chauves-souris s'interdisent de traverser la scène pour ne pas rompre la magie de l'instant. Les notes montent légères sous la présence autoritaire d'Auguste. La musique parle à nos cœurs et à nos âmes et nous savourons cet instant de fusion. Trop court hélas. Nous aurions aimer les écouter encore et encore. Les deux pianistes sont ovationnés. Le public ne veut pas les laisser partir.
Et là, inattendu et grandiose, pour le Bis, ils interprètent une valse et romance à six mains de Sergueï Rachmaninov avec Myung Whun Chung lui même considéré comme un excellent pianiste. Nous avons le sentiment de vivre un moment unique et, à la fin du concert, un ami allemand mélomane averti en oublie la langue de Goethe et de bonheur s'exclame : MaknifiK, apsoloument maknifiK !

jeudi 7 août 2014

Les chorégies d’Orange : Otello malgré moi

Après une double déception avec Roberto Alagna en 2012 dans Turandot et son absence en 2013, j'avais décidé cette année de le boycotter purement et simplement. Mes billets avaient été achetés pour Nabucco et Carmina Burana mais pas Otello. En revanche, j'avais décidé d'assister à des concerts de piano à La Roque d'Anthéron, Lourmarin, l'Etang des Aulnes. Et je m'en portais très bien. 

Des amis me pressaient d'aller l'écouter mais je restais droite dans mes bottes. Niet. Le sort en décida autrement. A deux reprises on m'a proposé des places gratuites pour Otello. La première fois j'ai décliné l'offre, heureuse, j'écoutais David Bismuth à Lourmarin, mais la deuxième fois, pour la représentation du 5 août, on me proposa, une heure avant le spectacle à nouveau deux places, et bien placées de surcroît. Pas d'excuses, hélas, j’étais à Orange ! Comme les échos que j'avais entendus étaient plutôt favorables, j'ai saisi mon coussin et hop, allons voir Otello. Au pire, je ne regretterai pas d'avoir dépensé 200 euros si sa prestation n'est pas bonne. Et là, agréable surprise, j'ai trouvé que Roberto Alagna avait bien chanté, en tout cas, il avait honoré son contrat, et Inva Mula que j'avais rencontrée quelques jours plus tôt et que j'avais déjà entendue dans la Bohême fut égale à elle même. Finalement, cette soirée à laquelle je ne voulais pas assister fut un agréable moment. Comme quoi, il est parfois bon de vaincre ses réticences.

mercredi 6 août 2014

Musicales en Tricastin - Un festival à découvrir

Pour ceux qui habitent la région ou qui viennent chaque année passer leurs vacances en Provence, je vous recommande, si vous êtes amateurs de musique classique, le festival « Musicales en Tricastin ».

Bien-sûr, il n'est pas aussi prestigieux qu'Aix-en-Provence, il n'est même pas question de les comparer car l'approche même est différente. Toutefois, on ne peut qu'apprécier la qualité des concerts et saluer l'initiative de Monsieur et Madame Boucharlat et de leur fils le pianiste Pierre-laurent, pour avoir créé ces rencontres musicales. Depuis déjà treize ans, ils mettent, chaque année, la musique classique à la portée de tous et fidélisent des spectateurs toujours plus nombreux.

Leur approche n'est pas élitiste, ni snob. On vient parce qu'on aime la musique et pas pour être vus, ni pour se gargariser dans des salons feutrés. D'abord, il n'y en a pas. Non, l'ambiance est familiale, mais ne vous méprenez pas car la programmation n'en est pas moins alléchante et les interprètes qui s'arrêtent au festival « Musicales en Tricastin » mènent aussi une carrière internationale et se produisent au très sélect festival de piano de la Roque d'Anthéron.

Cette année, une semaine de musique du 18 au 25 juillet avec des concerts donnés dans la cour du château de Suze la Rousse (La nuit du piano et la nuit de la musique de chambre) et à Saint Paul Trois Châteaux (une petite musique de nuit, le Concert Impromptu, un récital lyrique et pour clore le festival un spectacle lyrique, voir détails sur internet www ).

Si vous n'êtes jamais venus et que vous prévoyez d'être dans la région, ne loupez pas ce festival. Sûr, vous ne le regretterez pas.


Orange - Où sont les touristes ?

Comme chaque année, je suis dans le sud de la France, à Orange et cette fois, je cherche désespérément les touristes. Les terrasses sont quasiment vides et quelques badauds se promènent, à pas lents, l'appareil photo en bandoulière pour immortaliser leur ennui.


Heureusement pour les spectacles des chorégies, les rues s'animent, mais ses visiteurs, hélas, ne restent pas. Tout au plus une nuit et le lendemain ils se font conduire en gare d'Avignon pour regagner leurs pénates ou des lieux plus animés. Après quelques jours, le temps s'améliore, un peu, le soleil commence enfin à sortir (le mistral aussi), puis il recommence à pleuvoir, ce qui n'encourage pas à la flânerie. Les restaurateurs font aussi grise mine. La saison qui a tardé à débuter ne laisse pas augurer des recettes exceptionnelles et chaque jour qui passe, timide et poussif, est un manque à gagner. Si vous ajoutez à cela que les rares touristes comptent leurs sous comme des auvergnats, se partagent une crêpe ou commandent une demie boule de glace, sûr que le moral des commerçants ne va pas aller crescendo et pour les vacanciers que nous sommes, nous avons de plus en plus envie de rester blottis dans nos tanières.

dimanche 13 avril 2014

RDCongo : Lupita Nyong'o fait son entrée à Rubana



Rubana vous ne connaissez pas. C'est normal. Il y a trois mois je ne connaissais pas non plus, mais là-bas, en RDC, à vingt minutes en bateau de Baraka, sur la presqu'île d'Ubwari, des femmes viennent de découvrir, pour la première fois, les magazines féminins et l'actrice kényane Lupita Nyong'o.

http://blogs.lexpress.fr/styles/froggista/2014/01/13/lupita-nyongo-future-reine-des-tapis-rouges/
Des journaux on n'en trouve pas, même pas pour emballer des cacahuètes, d'ailleurs il n'y a pas de cacahuètes. Sur la grande place du marché où il n'y a pas de marché, des poules, des canards, des femmes et des enfants par grappes qui viennent s'agglutiner autour de vous pour observer de plus près les bipèdes à la peau claire fraîchement arrivés. Les femmes comme à leurs habitudes sont là, assises sous le grand manguier. Les travaux des champs terminés, les après-midis, elles se consacrent à leur passe-temps favori : leur maquillage et celui de leurs bébés devenus des poupées humaines aux cheveux mouillés et lissés et aux sourcils noircis au khôl.

Lors d'un déplacement précédent à Rubana, il m'était venu à l'idée de revenir voir ces femmes pour qui la beauté importait tant, avec des magazines féminins, pour saisir leur étonnement et enregistrer leurs réactions. L'auditoire en place, je commence à feuilleter avec elles, les magazines africains que j'avais sélectionnés. Le silence. Elles approchent leur visage des mannequins immortalisés sur papier glacé et se regardent dubitatives. Les femmes au teint clair et aux longs cheveux séduisent et arrive enfin Lupita Nyong'o. Elles secouent la tête et froncent les sourcils. Alors comment la trouvez-vous ? « Elle n'est pas belle, elle est trop noire et ses cheveux sont trop courts ». Je les laisse s'exprimer et leur montre de nouvelles photos de la star kényane, éblouissante dans sa robe de gala rouge. La robe fait son effet. Je leur explique qu'il s'agit toujours de la même personne, qu'elle est africaine comme elles, qu'elle vient d'un pays poche du Congo et qu'elle est considérée comme l'une des plus belles femmes du monde. Les origines africaines de Lupita, la proximité des deux pays et sa célébrité stimulent leurs rêves. « Mais nous, qu'est-ce qu'il faut faire pour être comme elle » ? Pour dissimuler mon embarras, je pose mon regard sur une petite fille de 9 mois et m'attarde sur ses grands sourcils dessinés au crayon noir. « On va s'acheter du mascara au marché de Baraka », dit l'une d'elles d'un ton enjoué et on sera encore plus belles qu'elle ». Lupita Nyong'o vient de faire son entrée à Rubana. Sans doute ne retiendront-elles pas son nom mais un après-midi d'avril, sous le grand manguier de la place du marché de Rubana, elle aura fait naître chez ces jeunes cultivatrices coupées du monde, l'espoir d'être, un jour, célèbres et de voyager bien au-delà de leur presqu'île.

mercredi 2 avril 2014

RDCongo : Le Sud-Kivu en musique

Ecoute…
TEXTE ET MUSIQUE : Serge RAMAZANI L.

Quelque part sur terre on ne sourit plus
Quelque part sous les cieux on ne vit plus
L’existence elle-même, un lourd bagage
Le bonheur, le vrai regard, en voyage

Vous ne pouvez pas y croire
Par peur violente de le voir

La petite gamine vit l’enfer
La bonne femme humiliée
Le puissant mâle effondré
La vieille mère châtiée
Et La petite fille perd son cœur en fer

Ecoute le son qui dérange ton esprit
 Tu comprendras bien leurs cris
Ecoute le vent transportant leur douleur
Tu verras alors sa couleur

Violer se tuer, violer se détruire
La femme est précieuse, sacrée
La violer c’est empêcher l’avenir
La violer c’est aveuglé les années

 Ecoute le son qui dérange ton esprit
Tu comprendras bien leurs cris
Ecoute le vent transportant leur douleur
Tu verras alors sa couleur (X2)

Quelque part dans ton cœur, les larmes
Quelque part dans tes yeux, son âme
Son existence, son bagage
Son bonheur, un voyage

Vous ne pouvez pas y croire
Par peur violente de le voir

La petite gamine vit l’enfer
La petite fille perd son cœur en fer
La bonne femme humiliée
Et la vieille mère châtiée

Ecoute le son qui dérange ton esprit
Tu comprendras bien leurs cris
Ecoute le vent transportant leur douleur
Tu verras alors sa couleur (X2)


Elles disent…
TEXTE ET MUSIQUE : Serge RAMAZANI L.

Où est parti ce soleil qui brillait hier
Où est partie cette lune qui chantait bien
Où est parti l’amour, notre héritage
Où est partie cette promesse si claire.

Où est partie l’armée qui protégeait le peuple
Où sont partis ces dirigeants sérieux
Où est parti ce respect aux femmes
Où sont parties ces promesses peu vraies

Ils étaient nombreux, ils ont violé ma mère
Ils étaient armés, ils ont violé ma sœur
Ils étaient nombreux, ils ont violé ce bébé
Ils ont pris mon père à la gorge
Ils ont tiré sur mon frère

R/ Pourquoi un monde sans lois
Pourquoi les filles aux abois
On viole, on tue
On oublie ce qu’est la femme.

Pourquoi un ciel en bois
Pourquoi les hommes sans droit
On viole, on fuit
On tue sa mère, sa nation.
Serge RAMAZANI L.

jeudi 6 février 2014

Histoire africaine

Sur la route, près d'Uvira (RDC), un véhicule réhaussé d'une croix en bois et de quelques fleurs déjà fanées à cause de la chaleur se déplace lentement. Un enterrement ! Dans la procession un officier que nous rencontrons souvent au bureau de l'immigration à la frontière du Burundi et du Congo. Il nous reconnaît et s'approche de nous, l'air grave, pour nous saluer. Est-ce un proche lui demande notre chauffeur qui le voit depuis déjà des années, pratiquement chaque semaine. Oui, c'est mon grand-père. Il était déjà âgé. Il avait au moins 148 ans. Quand on sait que l'espérance de vie au Congo ne dépasse pas les 60 ans. C'est plus qu'un miracle !

mercredi 1 janvier 2014

Afrique de Sud - Shakaland, une journée avec les Zoulous



Il nous était impossible de passer deux semaines dans le Kwazulu Natal, sans aller voir les Zoulous, ethnie qui a marqué notre imagination, par leurs redoutables combats, leur acharnement et leur cruauté. Aller sur les traces du roi Shaka dont l'histoire avait été reprise sur le grand écran ne pouvait être qu'un moment à ne pas louper.

A près de deux heures de voiture de Durban, si on ne se perd pas, Shakaland, bien que touristique vaut le détour. Caché dans les collines, vous pouvez y passer une journée, si vous le souhaitez, et même plus car des cases sont aménagées pour recevoir les touristes plus longtemps. De guerriers, ils sont devenus de redoutables hommes d'affaires où tout est parfaitement orchestré pour le touriste. Dès votre arrivée, un Zoulou, en tenue traditionnelle, vous accueille et vous conduit à la réception (impossible de ne pas payer) et vous choisissez votre programme : projection d'un film (dans un case climatisée), visite du village, repas zoulou et danse. 



Le guide qui ne manquait pas d'humour, nous a fait découvrir les traditions et l'habitat zoulou : une case pour l'homme dans laquelle il vit seul, d'autres pour ses femmes et les enfants en bas âge, une pour les adolescentes et une autre pour les adolescents mâles, toujours à la droite pour qu'ils puissent se saisir de leur lance et attaquer l'animal du coté droit en cas de danger. Au cours de cette visite, il était intéressant d'assister au choc des cultures et des sexes : des jeunes sud-africaines, noires, attaquaient avec véhémence le guide, ses propos sur la polygamie et la soumission de la femme. La démonstration des danses guerrières vous fait froid dans le dos et vous êtes heureux de ne jamais les avoir rencontrés en face de vous.


Pendant la visite à Shakaland, la présence du roi Shaka vous accompagne car non seulement sa mère est née près du village, mais lui-même a grandi dans une colline voisine. Jusqu'à présent il demeure un culte chez les Zoulous qui représentent environ 7 % de la population sud-africaine soit près de 10 millions d'individus.
Vous ne pouvez terminer la visite sans boire de la bière dans une calebasse et à ce moment, mieux vaut ne pas penser aux dizaines de personnes qui ont déjà trempé leurs lèvres avant vous. Mais l'alcool détruit les bactéries, parait-il.

jeudi 17 octobre 2013

RD-Congo : Une case, quatre classes

Nous nous garons à côté d'un bâtiment rectangulaire au toit de chaume, sans porte et sans fenêtre. Juste des rondins de bois superposés. C'est une école me dit-on. Je m'approche et regarde par les interstices. Des dizaines de minois se tournent vers moi. Un jeune instituteur sort saluer la délégation, un vieux manuel de français à la main. Une discussion s'engage. Il nous explique son travail et les conditions dans lesquelles il le dispense. Dans cette école, soixante neuf enfants assis à même le sol sont répartis en 4 sections. Pendant qu'il donne ses explications, je m'éclipse pour  entrer dans la case et regarder de plus près tous ces enfants, trop pauvres pour espérer un jour étudier loin de leur village. La petite Ayélé qui sommeille en moi n'est jamais très loin et je ne peux m'empêcher de penser que si ma mère ne s'était pas occupée de moi, j'aurais pu, moi aussi, grandir comme eux. Sans espoir.
Dans la case, deux tableaux, un devant lequel un élève de la grande section conjugue l'auxiliaire être au futur. Certaines terminaisons sont fausses. J'établis avec lui un langage des signes pour lui montrer ses erreurs et qu'il les corrige. Après avoir gentiment triché dans le dos de l'instituteur toujours occupé à palabrer, je me retourne vers le tableau de la petite section. Aïe ça se corse. Une phrase écrite en Kiswahili. Je sens que malgré leur intimidation de voir une Mzungu dans leur classe, ils n'ont qu'une seule envie, se payer ma tête. Leurs yeux rigolent même s'ils essayent de ne pas sourire. Je me lance. Après avoir lu ma phrase avec maintes hésitations, je les abandonne à leurs éclats de rire.

 Avant de prendre congés de l'instituteur, je lui demande si tous les enfants sont là. Non, à peine 40 %. Seuls sont présents ceux dont les parents ont pu payer les frais de scolarité : 1 Euro/mois. Ce constat  me désole et je veux me raccrocher à une perspective plus positive. Combien d'entre eux pourront alors étudier plus tard à l'université. La réponse tombe, brutale : aucun.

Nous remontons dans nos véhicules pour poursuivre notre visite. Je pense aux Nations Unies et aux objectifs du millénaire qui prévoyaient d'assurer l'éducation primaire pour tous. Bibokoboko en est-il exclu ? Derrière moi, je laisse des dizaines d'enfants qui resteront toujours en dehors de la marche du monde, malgré le sacrifice des parents pour les scolariser.


jeudi 26 septembre 2013

On ne choisit pas d'aimer quelqu'un du même sexe, c'est l'amour qui choisit !

échange des anneaux.
Comme je vous l'avais annoncé sur ma page facebook, Christophe et Lionel se sont mariés lundi 23 septembre à Orange. Sans tapage. Et pourtant c'était facile. Fief d'extrême droite, interventions télévisées du maire et de son épouse pour exprimer chacun à leur tour leur hostilité au mariage pour tous. Démarches parfois difficiles pour concrétiser leur union. Tous les ingrédients étaient là pour une ultra médiatisation qui n'aurait eu, comme effet, que de stigmatiser encore davantage la communauté homosexuelle.

De la pub, ils n'en voulaient pas, ils n'en ont jamais voulu. Bien au contraire ! Leur option, la discrétion, et leur mariage fut à leur image, simple et champêtre, mais le discours prononcé à la mairie par l'un des mariés a ému l'assistance par la justesse et la profondeur du message.

"Au moment même où nous affichons notre bonheur, je pense à tous les homosexuels, garçons et filles, qui à travers le monde souffrent de ne pouvoir s'aimer au grand jour. On ne choisit pas d'aimer quelqu'un du même sexe, c'est l'amour qui choisit, décide, dirige et gouverne nos vies. Je suis heureux aujourd'hui d'épouser Lionel, l'homme que j'aime. Je suis d'autant plus heureux de me marier dans un pays démocratique qui offre le droit à tous, de pouvoir concrétiser leur amour par les liens sacrés du mariage. Je voudrais aussi ajouter que je suis heureux que notre union soit célébrée par Madame Liliane Rare, adjointe au patrimoine et à la culture car sa sensibilité, son sens de l'humanité me vont droit au cœur. Je suis fier de compter parmi ses amis." (Christophe)

mardi 17 septembre 2013

Livre : "Baho" de Roland Rugero

image: http://www.librairiepantoute.com

Le livre de Roland Rugero "Baho", 110 pages, édité dans le sud de la France chez Vents d'ailleurs, se lit bien. L'histoire est intéressante et originale. Il décrit avec beaucoup de finesse une société burundaise traumatisée, la barbarie des hommes, la vulnérabilité des infirmes, en particulier celle de Nyamuragi le muet, accusé injustement de viol. L'effet de foule, la projection des turpitudes de chacun, la célérité à tuer un être humain sans jugement pour assouvir une soif de vengeance et de pouvoir, la sagesse de la vieille borgne qui suit à distance les événements, et une fin qui me donne encore la chair de poule. Tout est là pour que le livre soit lu jusqu'au bout. 


Mais, en tant que lectrice, si j'ai aimé le fond de l'histoire, j'ai moins apprécié la forme. Le style est parfois maladroit avec le goût prononcé de l'auteur à placer les adjectifs avant les noms : " d'urgents besoins, le noble haricot, les nobles âmes, il broie ferme poulets, le sage homme, etc., sans compter quelques maladresses "un long moutonnement de bruissements" ou "Il était saoul d'invitations à aller prendre quelques coups de vin de banane, avant même d'avoir commencé à boire".

Si le livre pèche par quelques maladresses, il reste globalement un bon livre et Roland Rugero, qui est encore très jeune, a un vrai talent d'écrivain.
Roland Rugero , écrivain (www.akeza.net)

lundi 16 septembre 2013

Théâtre à l'Institut français du Burundi : "Machine 26, couloir C"

Un bon divertissement


image: http://www.iwacu-burundi.org
Il y a deux mois, j'avais émis mon avis sur un ténor qui avait annulé sa prestation, trois jours avant la date fixée, aux chorégies d'Orange. Tollé général, une avalanche de messages, souvent injurieux, m'avait été adressée car on ne touche pas aux idoles de certains. Soit ! Chacun peut être fan de qui il veut, tant que la liberté d'expression est respectée. En revanche, le racisme véhiculé dans les messages qui me demandaient "de retourner dans mon Burundi" m'interpella.

Il est bien évident que pour tous ces détracteurs qui se cachent derrière l'anonymat, un Africain ou quiconque habitant en Afrique est dépourvu de toute connaissance et de tout sens critique. Je suis de retour à Bujumbura où je réside depuis deux ans et c'est vrai qu'ici, nous ne disposons pas des infrastructures présentes dans les grandes villes européennes, ni de leur éventail culturel. Pourtant les choses bougent. Des initiatives sont prises et des spectacles se montent. Ainsi, vendredi et samedi soir, à l'institut français du Burundi était présentée la pièce de théâtre "Machine 26, couloir C". Une pièce agréable, écrite par Patrice Faye et interprétée par la troupe Burundaise Pili-pili, ce qui prouve la volonté et le potentiel culturels qui existent dans ce pays.

Malgré un prix d'entrée modique (environ trois euros) par rapport aux montants pratiqués en occident, les comédiens n'ont pas ménagé leurs efforts pour monter ce spectacle et divertir le public. Nous sommes bien loin des caprices de stars qui sont payées des milliers d'euros. Alors, pour tous ceux qui critiquent un pays qu'ils ne connaissent pas, je les invite à venir juste une fois au Burundi et ils comprendront ainsi qu'un pays, même pauvre, ne mérite pas d'être traité avec condescendance.

dimanche 8 septembre 2013

Michel Kayoya (1934-1972) : Une référence au Burundi

Michel Kayoya sur wikipedia
Burundais, catholique, le père Michel Kayoya est né le 8 décembre en 1943 à Kibumbu et arrêté durant la nuit du 13 mai 1972 à Gitega où il sera exécuté. De 1948-1955, il passe au Petit Séminaire de Mugera et de 1955-1958, il entre au Grand Séminaire de Burasira où il poursuit des études de philosophie. Il part ensuite en Belgique au Scolasticat des Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs) mais décide finalement de rentrer dans son pays natal, en 1962. Le 8 juillet 1963, il est alors ordonné prêtre dans l'archidiocèse de Gitega .

D'une personnalité hors du commun, le père Michel Kayoya marque le Burundi par sa pensée et exprime ses idées dans deux livres : Entre Deux Mondes (1970) et Sur les Traces de Mon Père (1971) dans lesquels non seulement il dénonçe la situation socio-économique et politique de son pays, mais il invite aussi la jeune génération à retourner aux sources de l'humanisme de ses pères. D'une profonde bonté et épris de justice, le père Michel Kayoya n'a cessé de prêcher l'amour par l'exemple jusqu'au jour de son exécution où, face aux soldats, il leur prononça encore des paroles de pardon.

Michel Kayoya, par son action, ses livres et sa mort tragique lors des événements de 1972, alors qu'il n'avait que 38 ans, font de lui non seulement un héros mais une référence présente dans l'esprit de tous les Burundais.
images de http://www.mafrome.org/ordinatio/kayoya_michel_2_livres.jpg


Livre : Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka

Le voyage de la désillusion

sur Amazon
Le périple de ces femmes japonaises commence sur le bateau, lors de leur traversée du Pacifique à destination des Etats-Unis. Le décor est immédiatement planté. La saleté, les puces, la vétusté de leur embarcation, les odeurs, la crasse, les punaises, tout tranche avec leur fragilité et leur finesse. Pauvres, elles le sont, mais pas dépourvues de leurs coutumes et de leur délicatesse. "Dans leurs malles, elles avaient emporté un kimono de soie blanche pour leur nuit de noces, des pinceaux à calligraphie et de fines feuilles de papier de riz afin d'écrire de longues lettres et un minuscule bouddha de cuivre". Cette opposition, nous allons la retrouver tout au cours du livre. Sur le bateau qui les emmène loin de leur famille, elles s'imaginent habiter dans une vaste maison confortable et accueillante avec un mari aussi beau et séduisant que celui de la photo qu'elles conservent dans un médaillon et qu'elles ne cessent d'admirer. Mais la réalité va les frapper de plein fouet à peine le pied posé à terre. Des hommes rustres, aux vêtements rapiécés, les attendent pour les conduire dans leurs nouvelles demeures : "une longue tente sous un prunier, un lit de camp dans un baraquement, un dortoir en planche, une paillasse dans l'écurie, un tas de foin posé sur trois caisses de pommes sous un pommier". Une pauvreté à l'état pur que l'auteure dépeint sans ambages et qui nous fait découvrir des jeunes femmes isolées, confrontées à un problème de langue, fragilisées, coupées de leur famille et de leurs traditions, des jeunes japonaises réduites à l'esclavage et exposées à la raillerie et à la cruauté.

Ce livre est d'autant plus émouvant qu'il est actuel. La détresse des immigrantes nous renvoie aux étrangers qui, chaque jour, quittent leur pays, pour une vie qu'ils veulent meilleure. Combien d'entre eux acceptent de travailler au noir, sans protection sociale pour un salaire de misère ? Combien de jeunes femmes trompées et abusées se retrouvent à arpenter les trottoirs des capitales européennes sans espoir d'un avenir meilleur ? Combien d'hommes et de femmes, trop crédules se sont installés au bout du monde pour vivre un amour qui s'est rapidement transformé en cauchemar ?

Enfin, ce livre, je ne lai pas lu comme un roman, mais comme une étude sociologique et les incessantes énumérations de l'auteure qui donnaient, au début, de la force à son récit, ont fini par me lasser. Toutefois, "Certaines n'avaient jamais vu la mer" reste, malgré tout, un livre intéressant.

samedi 17 août 2013

Vacances culturelles en Provence


Culture et sorties: Le Mont Ventoux
Toute l'année, on les attend, on en rêve, on les prépare et enfin elles arrivent, elles sont là,... nos vacances. Un ou deux mois à Orange, dans le sud de la France, pour se ressourcer culturellement. Le bonheur assuré car, même si l'expatriation c'est sympa avec des séjours ensoleillés aux saveurs épicées et aux spas feutrés, le quotidien manque cruellement d'expos internationales, d'art lyrique et de danse classique ou contemporaine. Alors, hop, nos valises à peine posées, nous nous concoctons notre programme et à nous la joie de profiter d'un environnement éclectique car cette région de France est, il faut le reconnaître, particulièrement riche en événements culturels.

Si une partie de la famille opte systématiquement pour le festival d'Aix et la Roque d'Anthéron, notre choix se porte sur les chorégies d'Orange. Normal, nous sommes devenus Orangeois d'adoption. Mais masos, nous ne le sommes pas et au prix des places, nous évitons soigneusement les "stars" qui nous ont déçus. Une fois, mais pas deux. Nos pérégrinations nous ont aussi conduits à Vaison-la-Romaine pour deux ballets, Dada Masilo Swan Lake et Mudéjar de la Compania Miguel Berna et naturellement Avignon pour humer cette ambiance de théâtre. Enfin, nous avons eu beaucoup de plaisir à assister à plusieurs concerts violon, piano- dans le cadre des Musicales en Tricastin organisées à Saint-Paul Trois-Châteaux et Suze-la-Rousse. S'il nous reste encore un peu de temps nous espérons bien voir l'expo de Cézanne à Matisse au musée Granet d'Aix et la boucle sera presque bouclée.

Chaque année, la mort dans l'âme, nous devons amputer notre programme très ambitieux à notre arrivée, car non seulement notre temps est compté, mais surtout, pas encore doués d'ubiquité, nous ne pouvons assister à toutes les représentations qui souvent se chevauchent. Mais qu'à cela ne tienne, pendant notre séjour, notre cœur vit au rythme des émotions, des découvertes et parfois des déceptions, et reboostés, nous repartons, heureux, dans nos contrées lointaines.

Jazz à Orange
image : nosfestivals.fr



Les chorégies d'Orange - Un Bal Masqué de Verdi : La suprématie des femmes


Pour célébrer le bicentenaire de la naissance de Wagner et Verdi, les chorégies ont programmé deux opéras jamais interprétés au théâtre antique d'Orange, "Le Vaisseau fantôme" de Wagner le 12 juillet, et "Un Bal Masqué" le 3 et 6 août. Si la deuxième représentation du Vaisseau Fantôme avait été annulée, les deux représentations du compositeur italien avaient été maintenues et le public s'était pressé au théâtre antique, un coussin sous le bras, car on ne peut oublier longtemps l'inconfort des gradins en pierre.

Si cet opéra était une première à Orange et qu'il fut, malgré tout, un moment agréable, il ne restera pas gravé dans les mémoires, sauf l'interpétation des trois femmes qui, dommage pour les hommes, les ont de loin surpassés. Kirstin Lewis soprano noire américaine de l'Arkansas qui faisait sa première apparition aux chorégies fut extraordinaire dans son interprétation d'Amelia, la femme infidèle, Sylvie Brunet-Grupposo a été impressionnante par sa présence dans le rôle d'Ulrica et Anne-Catherine Gillet, pétillante dans Oscar fut sans doute la révélation de la soirée. Face à elles, Ramon Vargas, le tenor mexicain qui incarnait Gustav III, roi de Suède alias Ricardo duquel se dégageait pourtant un côté fort sympathique manquait parfois de puissance, malgré sa voix, mais il n'est pas donné à tout le monde de chanter à Orange, et Lucio Gallo, le baryton, dans le rôle du comte, alias Renato, peinait avec sa voix légèrement enrouée. Heureusement, la direction musicale qui avait été confiée à Alain Altinoglu fut un vrai régal.

La mise en scène de Jean-Claude Auvray très épurée, pour ne pas dire extrêmement minimaliste, une chaise que l'on déplaçait et des bancs, fut saluée par des huées et des sifflets à la fin du spectacle. Enfin quelques anachronismes comme la monture des lunettes du comte et la montre qu'il a portée au poignet pendant toute la représentation ont contribué à perturber mon plaisir.

mardi 23 juillet 2013

Les Chorégies d'Orange - Der Fliegende Holländer - Le Vaisseau Fantôme

Le bicentenaire de la naissance de Richard Wagner qui est célébré dans le monde entier, ne pouvait échapper à la programmation des Chorégies d'Orange. Ainsi, son opéra « der Fliegende Holländer », « le Vaisseau Fantôme », nous a été proposé le 12 juillet.

Étrange, malgré l'annulation de la représentation du 15, le théâtre n'était pas tout à fait plein. A croire que le compositeur allemand ne fait pas l'unanimité dans cette ville du Sud de la France. Soit, le spectacle fut intéressant, la mise en scène  audacieuse et les décors ingénieux. Les voix, pourtant, et particulièrement celle du Holländer, interprété par Egils Silins, étaient parfois étouffées par l'orchestre. Phénomène plus ou moins amplifié que j'avais déjà remarqué dans les opéras des années précédentes. Egils lui-même, après la générale, m'avait confié qu'il lui était difficile d'entendre sa voix, et, avec humour, avait ajouté : « Je ne m'entends pas, mais j'estpère que c'est bon! » 

Enfin, c'est dans le troisième acte, que la voix du Holländer, majestueux à la proue de son vaisseau, domine la scène quand il surprend Senta et Erik. Et c'était bon.

Les Chorégies d'Orange - Lang Lang : un moment de vrai bonheur

Incroyable, génial, inouï, extraordinaire, à la fin du concert du pianiste chinois, les compliments et les adjectifs les plus élogieux fusaient de toutes parts. Parfois même, des spectatrices, encore sous l'émotion, essuyaient subrepticement une larme qu'elles n'avaient pu retenir.

Ce fut un moment de vrai bonheur, un délice, des perles de musiques que Lang Lang nous a offertes dans l'interprétation des sonates de Mozart. Chopin, qu'il affectionne particulièrement, était d'une incroyable beauté. Les sentiments du compositeur fort, émouvant et torturé coulaient sous les doigts du pianiste.

Si l'amour du détail de Lang Lang et son maniérisme sont parfois montrés du doigt par des mélomanes confirmés, qu'importe, sa prestation fut excellente et les rappels au cours desquels il a pu laisser libre cours à sa fantaisie resteront un moment inoubliable des Chorégies.