jeudi 17 octobre 2013

RD-Congo : Une case, quatre classes

Nous nous garons à côté d'un bâtiment rectangulaire au toit de chaume, sans porte et sans fenêtre. Juste des rondins de bois superposés. C'est une école me dit-on. Je m'approche et regarde par les interstices. Des dizaines de minois se tournent vers moi. Un jeune instituteur sort saluer la délégation, un vieux manuel de français à la main. Une discussion s'engage. Il nous explique son travail et les conditions dans lesquelles il le dispense. Dans cette école, soixante neuf enfants assis à même le sol sont répartis en 4 sections. Pendant qu'il donne ses explications, je m'éclipse pour  entrer dans la case et regarder de plus près tous ces enfants, trop pauvres pour espérer un jour étudier loin de leur village. La petite Ayélé qui sommeille en moi n'est jamais très loin et je ne peux m'empêcher de penser que si ma mère ne s'était pas occupée de moi, j'aurais pu, moi aussi, grandir comme eux. Sans espoir.
Dans la case, deux tableaux, un devant lequel un élève de la grande section conjugue l'auxiliaire être au futur. Certaines terminaisons sont fausses. J'établis avec lui un langage des signes pour lui montrer ses erreurs et qu'il les corrige. Après avoir gentiment triché dans le dos de l'instituteur toujours occupé à palabrer, je me retourne vers le tableau de la petite section. Aïe ça se corse. Une phrase écrite en Kiswahili. Je sens que malgré leur intimidation de voir une Mzungu dans leur classe, ils n'ont qu'une seule envie, se payer ma tête. Leurs yeux rigolent même s'ils essayent de ne pas sourire. Je me lance. Après avoir lu ma phrase avec maintes hésitations, je les abandonne à leurs éclats de rire.

 Avant de prendre congés de l'instituteur, je lui demande si tous les enfants sont là. Non, à peine 40 %. Seuls sont présents ceux dont les parents ont pu payer les frais de scolarité : 1 Euro/mois. Ce constat  me désole et je veux me raccrocher à une perspective plus positive. Combien d'entre eux pourront alors étudier plus tard à l'université. La réponse tombe, brutale : aucun.

Nous remontons dans nos véhicules pour poursuivre notre visite. Je pense aux Nations Unies et aux objectifs du millénaire qui prévoyaient d'assurer l'éducation primaire pour tous. Bibokoboko en est-il exclu ? Derrière moi, je laisse des dizaines d'enfants qui resteront toujours en dehors de la marche du monde, malgré le sacrifice des parents pour les scolariser.


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