Nous nous garons à côté d'un bâtiment
rectangulaire au toit de chaume, sans porte et sans fenêtre. Juste des rondins
de bois superposés. C'est une école me dit-on. Je m'approche et regarde par les
interstices. Des dizaines de minois se tournent vers moi. Un jeune instituteur
sort saluer la délégation, un vieux manuel de français à la main. Une
discussion s'engage. Il nous explique son travail et les conditions dans
lesquelles il le dispense. Dans cette école, soixante neuf enfants assis à même
le sol sont répartis en 4 sections. Pendant qu'il donne ses explications, je
m'éclipse pour entrer dans la case et
regarder de plus près tous ces enfants, trop pauvres pour espérer un jour
étudier loin de leur village. La petite Ayélé qui sommeille en moi n'est jamais
très loin et je ne peux m'empêcher de penser que si ma mère ne s'était pas
occupée de moi, j'aurais pu, moi aussi, grandir comme eux. Sans espoir.
Dans la case, deux tableaux, un devant lequel
un élève de la grande section conjugue l'auxiliaire être au futur. Certaines
terminaisons sont fausses. J'établis avec lui un langage des signes pour lui
montrer ses erreurs et qu'il les corrige. Après avoir gentiment triché dans le
dos de l'instituteur toujours occupé à palabrer, je me retourne vers le tableau
de la petite section. Aïe ça se corse. Une phrase écrite en Kiswahili. Je sens
que malgré leur intimidation de voir une Mzungu dans leur classe, ils n'ont qu'une
seule envie, se payer ma tête. Leurs yeux rigolent même s'ils essayent de ne
pas sourire. Je me lance. Après avoir lu ma phrase avec maintes hésitations, je
les abandonne à leurs éclats de rire.
Avant de prendre congés de l'instituteur, je
lui demande si tous les enfants sont là. Non, à peine 40 %. Seuls sont
présents ceux dont les parents ont pu payer les frais de scolarité : 1
Euro/mois. Ce constat me désole et je
veux me raccrocher à une perspective plus positive. Combien d'entre eux
pourront alors étudier plus tard à l'université. La réponse tombe,
brutale : aucun.
Nous remontons dans nos véhicules pour
poursuivre notre visite. Je pense aux Nations Unies et aux objectifs du
millénaire qui prévoyaient d'assurer l'éducation primaire pour tous. Bibokoboko
en est-il exclu ? Derrière moi, je laisse des dizaines d'enfants qui
resteront toujours en dehors de la marche du monde, malgré le sacrifice des
parents pour les scolariser.
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