mardi 1 octobre 2013

Errance et Indifférence :
une femme et son fils arrivés des Comores passent toute une nuit à Lyon St Exupéry, dans l'indifférence totale

Fatiguée, j'arrive à l'aéroport de Lyon St Exupéry en provenance de Bujumbura. Le vol a décollé avec près de trois heures de retard et je n'ai qu'une seule hâte, prendre le premier train pour Avignon et arriver chez moi pour me reposer quelques instants avant le mariage. Après avoir attendu en vain ma valise qui est restée à Bruxelles, je décide de ne pas perdre plus de temps et je me rends directement à la gare TGV de l'aéroport. Il est déjà midi. Les passagers vont et viennent. Certains scrutent les tableaux de départ, d'autres, assis, attendent patiemment leur train. A quelques mètres d'eux, une femme d'une trentaine d'années, noire, l'air abattu, attire mon attention. Elle erre dans le hall de la gare. Elle avance, recule, hésite. Elle ne sait où aller. Elle semble exténuée. D'énormes cernes creusent son visage. Intriguée, je m'approche d'elle pour lui demander si elle a besoin d'aide.

La gare tgv St Exupery; image: es.wikiarquitectura.com
Elle arrive des Comores avec son fils, un enfant d'une dizaine d'années, assis à quelques mètres d'elle, au milieu des valises et un pied sur la glacière. A sa descente d'avion, à Roissy, Marseille lui semble proche. Elle prend le TGV. Dans son enthousiasme et maîtrisant mal le français, elle descend à la mauvaise gare. Commence alors son errance dans le hall de la gare de Lyon St Exupéry pendant 24 heures, sans manger, sans argent, et sans savoir à qui s'adresser. Pendant ce temps, à trois cents kilomètres de là, un père inquiet l'attend, sans nouvelle. Elle ne peut pas le joindre. Elle n'a pas le roaming. 

Pour essayer de régler son problème rapidement dans une France que je connais, je lui demande de me suivre, -non pas parce que j'ai la bonne couleur-, mais j'ai au moins l'habitude de me frotter à mes concitoyens. Des regards réprobateurs commencent à nous scruter, le préposé de la SNCF pour se débarrasser de nous, nous propose une solution onéreuse, inacceptable pour la jeune femme. Il faut dire qu'en même temps, il commente au téléphone avec un collègue, les numéros gagnants du loto. Pendant trois quarts d'heure, on nous a baladées d'un endroit à l'autre, du comptoir SNCF au comptoir OUIGO en sous sol à côté des toilettes, avec comme seul interlocuteur un interphone et une voix. Jamais je n'aurais pu imaginer une telle indifférence. Des vigiles nous ont indiqué des personnes que nous n'avons jamais trouvées. Enfin, après avoir tourné en rond assez longtemps, je décide, excédée, de retourner au comptoir SNCF pour trouver une solution. Le "lotoman" avait disparu, il était l'heure du déjeuner, et il était remplacé par une femme qui après avoir entendu le calvaire que venaient de vivre la passagère et son fils, a immédiatement accepté de changer les billets de train, sans pénalité.

De soulagement, la jeune femme s'est mise à sangloter et a remercié Dieu. Nous avons voyagé ensemble jusqu'à Avignon. Aujourd'hui je pense encore à elle et je l'imagine à Marseille. J'espère qu'elle passe un bon séjour et je suis sûre que sa mauvaise expérience se sera dissipée dès qu'elle aura soulevé le couvercle de sa glacière et qu'elle aura partagé avec sa famille quelques douceurs des Comores.

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