jeudi 26 septembre 2013

On ne choisit pas d'aimer quelqu'un du même sexe, c'est l'amour qui choisit !

échange des anneaux.
Comme je vous l'avais annoncé sur ma page facebook, Christophe et Lionel se sont mariés lundi 23 septembre à Orange. Sans tapage. Et pourtant c'était facile. Fief d'extrême droite, interventions télévisées du maire et de son épouse pour exprimer chacun à leur tour leur hostilité au mariage pour tous. Démarches parfois difficiles pour concrétiser leur union. Tous les ingrédients étaient là pour une ultra médiatisation qui n'aurait eu, comme effet, que de stigmatiser encore davantage la communauté homosexuelle.

De la pub, ils n'en voulaient pas, ils n'en ont jamais voulu. Bien au contraire ! Leur option, la discrétion, et leur mariage fut à leur image, simple et champêtre, mais le discours prononcé à la mairie par l'un des mariés a ému l'assistance par la justesse et la profondeur du message.

"Au moment même où nous affichons notre bonheur, je pense à tous les homosexuels, garçons et filles, qui à travers le monde souffrent de ne pouvoir s'aimer au grand jour. On ne choisit pas d'aimer quelqu'un du même sexe, c'est l'amour qui choisit, décide, dirige et gouverne nos vies. Je suis heureux aujourd'hui d'épouser Lionel, l'homme que j'aime. Je suis d'autant plus heureux de me marier dans un pays démocratique qui offre le droit à tous, de pouvoir concrétiser leur amour par les liens sacrés du mariage. Je voudrais aussi ajouter que je suis heureux que notre union soit célébrée par Madame Liliane Rare, adjointe au patrimoine et à la culture car sa sensibilité, son sens de l'humanité me vont droit au cœur. Je suis fier de compter parmi ses amis." (Christophe)

mardi 17 septembre 2013

Livre : "Baho" de Roland Rugero

image: http://www.librairiepantoute.com

Le livre de Roland Rugero "Baho", 110 pages, édité dans le sud de la France chez Vents d'ailleurs, se lit bien. L'histoire est intéressante et originale. Il décrit avec beaucoup de finesse une société burundaise traumatisée, la barbarie des hommes, la vulnérabilité des infirmes, en particulier celle de Nyamuragi le muet, accusé injustement de viol. L'effet de foule, la projection des turpitudes de chacun, la célérité à tuer un être humain sans jugement pour assouvir une soif de vengeance et de pouvoir, la sagesse de la vieille borgne qui suit à distance les événements, et une fin qui me donne encore la chair de poule. Tout est là pour que le livre soit lu jusqu'au bout. 


Mais, en tant que lectrice, si j'ai aimé le fond de l'histoire, j'ai moins apprécié la forme. Le style est parfois maladroit avec le goût prononcé de l'auteur à placer les adjectifs avant les noms : " d'urgents besoins, le noble haricot, les nobles âmes, il broie ferme poulets, le sage homme, etc., sans compter quelques maladresses "un long moutonnement de bruissements" ou "Il était saoul d'invitations à aller prendre quelques coups de vin de banane, avant même d'avoir commencé à boire".

Si le livre pèche par quelques maladresses, il reste globalement un bon livre et Roland Rugero, qui est encore très jeune, a un vrai talent d'écrivain.
Roland Rugero , écrivain (www.akeza.net)

lundi 16 septembre 2013

Théâtre à l'Institut français du Burundi : "Machine 26, couloir C"

Un bon divertissement


image: http://www.iwacu-burundi.org
Il y a deux mois, j'avais émis mon avis sur un ténor qui avait annulé sa prestation, trois jours avant la date fixée, aux chorégies d'Orange. Tollé général, une avalanche de messages, souvent injurieux, m'avait été adressée car on ne touche pas aux idoles de certains. Soit ! Chacun peut être fan de qui il veut, tant que la liberté d'expression est respectée. En revanche, le racisme véhiculé dans les messages qui me demandaient "de retourner dans mon Burundi" m'interpella.

Il est bien évident que pour tous ces détracteurs qui se cachent derrière l'anonymat, un Africain ou quiconque habitant en Afrique est dépourvu de toute connaissance et de tout sens critique. Je suis de retour à Bujumbura où je réside depuis deux ans et c'est vrai qu'ici, nous ne disposons pas des infrastructures présentes dans les grandes villes européennes, ni de leur éventail culturel. Pourtant les choses bougent. Des initiatives sont prises et des spectacles se montent. Ainsi, vendredi et samedi soir, à l'institut français du Burundi était présentée la pièce de théâtre "Machine 26, couloir C". Une pièce agréable, écrite par Patrice Faye et interprétée par la troupe Burundaise Pili-pili, ce qui prouve la volonté et le potentiel culturels qui existent dans ce pays.

Malgré un prix d'entrée modique (environ trois euros) par rapport aux montants pratiqués en occident, les comédiens n'ont pas ménagé leurs efforts pour monter ce spectacle et divertir le public. Nous sommes bien loin des caprices de stars qui sont payées des milliers d'euros. Alors, pour tous ceux qui critiquent un pays qu'ils ne connaissent pas, je les invite à venir juste une fois au Burundi et ils comprendront ainsi qu'un pays, même pauvre, ne mérite pas d'être traité avec condescendance.

dimanche 8 septembre 2013

Michel Kayoya (1934-1972) : Une référence au Burundi

Michel Kayoya sur wikipedia
Burundais, catholique, le père Michel Kayoya est né le 8 décembre en 1943 à Kibumbu et arrêté durant la nuit du 13 mai 1972 à Gitega où il sera exécuté. De 1948-1955, il passe au Petit Séminaire de Mugera et de 1955-1958, il entre au Grand Séminaire de Burasira où il poursuit des études de philosophie. Il part ensuite en Belgique au Scolasticat des Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs) mais décide finalement de rentrer dans son pays natal, en 1962. Le 8 juillet 1963, il est alors ordonné prêtre dans l'archidiocèse de Gitega .

D'une personnalité hors du commun, le père Michel Kayoya marque le Burundi par sa pensée et exprime ses idées dans deux livres : Entre Deux Mondes (1970) et Sur les Traces de Mon Père (1971) dans lesquels non seulement il dénonçe la situation socio-économique et politique de son pays, mais il invite aussi la jeune génération à retourner aux sources de l'humanisme de ses pères. D'une profonde bonté et épris de justice, le père Michel Kayoya n'a cessé de prêcher l'amour par l'exemple jusqu'au jour de son exécution où, face aux soldats, il leur prononça encore des paroles de pardon.

Michel Kayoya, par son action, ses livres et sa mort tragique lors des événements de 1972, alors qu'il n'avait que 38 ans, font de lui non seulement un héros mais une référence présente dans l'esprit de tous les Burundais.
images de http://www.mafrome.org/ordinatio/kayoya_michel_2_livres.jpg


Livre : Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka

Le voyage de la désillusion

sur Amazon
Le périple de ces femmes japonaises commence sur le bateau, lors de leur traversée du Pacifique à destination des Etats-Unis. Le décor est immédiatement planté. La saleté, les puces, la vétusté de leur embarcation, les odeurs, la crasse, les punaises, tout tranche avec leur fragilité et leur finesse. Pauvres, elles le sont, mais pas dépourvues de leurs coutumes et de leur délicatesse. "Dans leurs malles, elles avaient emporté un kimono de soie blanche pour leur nuit de noces, des pinceaux à calligraphie et de fines feuilles de papier de riz afin d'écrire de longues lettres et un minuscule bouddha de cuivre". Cette opposition, nous allons la retrouver tout au cours du livre. Sur le bateau qui les emmène loin de leur famille, elles s'imaginent habiter dans une vaste maison confortable et accueillante avec un mari aussi beau et séduisant que celui de la photo qu'elles conservent dans un médaillon et qu'elles ne cessent d'admirer. Mais la réalité va les frapper de plein fouet à peine le pied posé à terre. Des hommes rustres, aux vêtements rapiécés, les attendent pour les conduire dans leurs nouvelles demeures : "une longue tente sous un prunier, un lit de camp dans un baraquement, un dortoir en planche, une paillasse dans l'écurie, un tas de foin posé sur trois caisses de pommes sous un pommier". Une pauvreté à l'état pur que l'auteure dépeint sans ambages et qui nous fait découvrir des jeunes femmes isolées, confrontées à un problème de langue, fragilisées, coupées de leur famille et de leurs traditions, des jeunes japonaises réduites à l'esclavage et exposées à la raillerie et à la cruauté.

Ce livre est d'autant plus émouvant qu'il est actuel. La détresse des immigrantes nous renvoie aux étrangers qui, chaque jour, quittent leur pays, pour une vie qu'ils veulent meilleure. Combien d'entre eux acceptent de travailler au noir, sans protection sociale pour un salaire de misère ? Combien de jeunes femmes trompées et abusées se retrouvent à arpenter les trottoirs des capitales européennes sans espoir d'un avenir meilleur ? Combien d'hommes et de femmes, trop crédules se sont installés au bout du monde pour vivre un amour qui s'est rapidement transformé en cauchemar ?

Enfin, ce livre, je ne lai pas lu comme un roman, mais comme une étude sociologique et les incessantes énumérations de l'auteure qui donnaient, au début, de la force à son récit, ont fini par me lasser. Toutefois, "Certaines n'avaient jamais vu la mer" reste, malgré tout, un livre intéressant.