dimanche 8 septembre 2013

Livre : Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka

Le voyage de la désillusion

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Le périple de ces femmes japonaises commence sur le bateau, lors de leur traversée du Pacifique à destination des Etats-Unis. Le décor est immédiatement planté. La saleté, les puces, la vétusté de leur embarcation, les odeurs, la crasse, les punaises, tout tranche avec leur fragilité et leur finesse. Pauvres, elles le sont, mais pas dépourvues de leurs coutumes et de leur délicatesse. "Dans leurs malles, elles avaient emporté un kimono de soie blanche pour leur nuit de noces, des pinceaux à calligraphie et de fines feuilles de papier de riz afin d'écrire de longues lettres et un minuscule bouddha de cuivre". Cette opposition, nous allons la retrouver tout au cours du livre. Sur le bateau qui les emmène loin de leur famille, elles s'imaginent habiter dans une vaste maison confortable et accueillante avec un mari aussi beau et séduisant que celui de la photo qu'elles conservent dans un médaillon et qu'elles ne cessent d'admirer. Mais la réalité va les frapper de plein fouet à peine le pied posé à terre. Des hommes rustres, aux vêtements rapiécés, les attendent pour les conduire dans leurs nouvelles demeures : "une longue tente sous un prunier, un lit de camp dans un baraquement, un dortoir en planche, une paillasse dans l'écurie, un tas de foin posé sur trois caisses de pommes sous un pommier". Une pauvreté à l'état pur que l'auteure dépeint sans ambages et qui nous fait découvrir des jeunes femmes isolées, confrontées à un problème de langue, fragilisées, coupées de leur famille et de leurs traditions, des jeunes japonaises réduites à l'esclavage et exposées à la raillerie et à la cruauté.

Ce livre est d'autant plus émouvant qu'il est actuel. La détresse des immigrantes nous renvoie aux étrangers qui, chaque jour, quittent leur pays, pour une vie qu'ils veulent meilleure. Combien d'entre eux acceptent de travailler au noir, sans protection sociale pour un salaire de misère ? Combien de jeunes femmes trompées et abusées se retrouvent à arpenter les trottoirs des capitales européennes sans espoir d'un avenir meilleur ? Combien d'hommes et de femmes, trop crédules se sont installés au bout du monde pour vivre un amour qui s'est rapidement transformé en cauchemar ?

Enfin, ce livre, je ne lai pas lu comme un roman, mais comme une étude sociologique et les incessantes énumérations de l'auteure qui donnaient, au début, de la force à son récit, ont fini par me lasser. Toutefois, "Certaines n'avaient jamais vu la mer" reste, malgré tout, un livre intéressant.

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