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Le périple de ces femmes japonaises commence sur le bateau, lors de
leur traversée du Pacifique à destination des Etats-Unis. Le décor est immédiatement planté. La saleté, les puces, la vétusté de leur
embarcation, les odeurs, la crasse, les punaises, tout tranche avec
leur fragilité et leur finesse. Pauvres, elles le sont, mais pas
dépourvues de leurs coutumes et de leur délicatesse. "Dans leurs
malles, elles avaient emporté un kimono de soie blanche pour leur
nuit de noces, des pinceaux à calligraphie et de fines feuilles de
papier de riz afin d'écrire de longues lettres et un minuscule
bouddha de cuivre". Cette opposition, nous allons la retrouver tout
au cours du livre. Sur le bateau qui les emmène loin de leur
famille, elles s'imaginent habiter dans une vaste maison confortable
et accueillante avec un mari aussi beau et séduisant que celui de la
photo qu'elles conservent dans un médaillon et qu'elles ne cessent
d'admirer. Mais la réalité va les frapper de plein fouet à peine
le pied posé à terre. Des hommes rustres, aux vêtements rapiécés,
les attendent pour les conduire dans leurs nouvelles demeures : "une
longue tente sous un prunier, un lit de camp dans un baraquement, un
dortoir en planche, une paillasse dans l'écurie, un tas de foin posé
sur trois caisses de pommes sous un pommier". Une pauvreté à l'état
pur que l'auteure dépeint sans ambages et qui nous fait découvrir des jeunes
femmes isolées, confrontées à un problème de langue, fragilisées,
coupées de leur famille et de leurs traditions, des jeunes
japonaises réduites à l'esclavage et exposées à la raillerie et à la
cruauté.
Ce livre est d'autant plus émouvant qu'il est actuel. La
détresse des immigrantes nous renvoie aux étrangers qui, chaque
jour, quittent leur pays, pour une vie qu'ils veulent meilleure.
Combien d'entre eux acceptent de travailler au noir, sans protection
sociale pour un salaire de misère ? Combien de jeunes femmes
trompées et abusées se retrouvent à arpenter les trottoirs des
capitales européennes sans espoir d'un avenir meilleur ? Combien
d'hommes et de femmes, trop crédules se sont installés au bout du
monde pour vivre un amour qui s'est rapidement transformé en
cauchemar ?
Enfin, ce livre, je ne lai pas lu comme un roman, mais comme une
étude sociologique et les incessantes énumérations de l'auteure qui
donnaient, au début, de la force à son récit, ont fini par me
lasser. Toutefois, "Certaines n'avaient jamais vu la mer" reste, malgré tout,
un livre intéressant.
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