vendredi 13 décembre 2013

Rêve brisé - Nouvelle

Les signaux lumineux clignotent, les passagers bouclent leur ceinture de sécurité dans une synchronisation parfaite, et la chef de cabine, de sa voix de guimauve, souhaite la bienvenue sur le vol Paris-Dakar. Le départ est imminent. Assise dans la toute première rangée, les yeux mi-clos, Chloé se laisse aller à la rêverie. Le Sénégal ! À 25 ans, elle va tenir la promesse qu’elle s’est faite à la mort de ses parents, survenue dans un accident de voiture une nuit glaciale de décembre, alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente. Elle deviendra médecin et mettra ses compétences au service de la population, loin de chez elle, là-bas où les gens démunis de tout, gardent encore le sourire. Les minutes s’écoulent et le silence interrompt la rêverie de la jeune femme. Étrange, pense-t-elle, les réacteurs sont muets et les hôtesses figées comme des cierges dans les deux allées latérales. Soudain, des hurlements retentissent à l’arrière de l’appareil. Des hurlements déchirants, des hurlements qui vous font froid dans le dos, des hurlements inhumains. Les passagers échangent des regards inquiets. Des rumeurs insensées se propagent et les interrogations fusent de toutes parts. Une hôtesse, dépassée par les événements, se hâte vers le cockpit et revient accompagnée du commandant de bord qui, dans sa précipitation, en a oublié sa casquette. Les curieux se tortillent, s’entortillent, se détortillent sur leur siège, allongent leur cou pour ne rien perdre du raffut, alors que les plus fouineurs, à la recherche du scoop, ont enlevé leur ceinture et se sont installés à califourchon sur leur siège. Mais que se passe-t-il enfin, s’interroge Chloé bouleversée par ces cris récurrents et, pour ne pas faillir au serment d’Hippocrate qu’elle a récemment prononcé, s’apprête à saisir sa trousse médicale dans le coffre à bagages, quand la grosse main de son voisin s’abat sur son avant-bras. « Du calme, jeune fille. Y’a rien de grave. Personne n’est malade dans cet avion. Dès que nous aurons décollé tout va rentrer dans l’ordre. C’est toujours la même chose ! » Freinée dans son élan, Chloé le regarde dubitative: « Que voulez-vous dire ? », s’étonne-t-elle. « Croyez- moi, vous verrez », répond-il avec un sourire, puis, estimant le débat clos, replace ses écouteurs sur les oreilles, sélectionne un nouveau morceau de musique sur son iPod et replonge dans son attitude d’autiste. À l’arrière de l’avion, les esprits s’échauffent. Les cris sont bientôt étouffés par les invectives des passagers et des doigts accusateurs se pointent en direction des trois sièges qui jouxtent les toilettes. Le commandant de bord, après s’être assuré qu’aucun passager ne nécessitait d’évacuation sanitaire, reprend les choses en main, tance les plus belliqueux et, exaspéré, s’en retourne à son cockpit. « Nous avons perdu assez de temps ! », lance-t-il. Nous partons maintenant.
Chacun réajuste sa ceinture, une hôtesse énonce les consignes de sécurité. Le silence se fait. Les lumières s’éteignent. L’avion roule lentement. Il se place en bout de piste prêt au décollage. Les réacteurs rugissent. Il s’envole. Chloé, rattrapée par une impitoyable réalité, regarde au loin par le hublot. À l’arrière de l’appareil, une femme, un foulard multicolore noué négligemment sur la tête, est assise menottée entre deux policiers en civil. Et elle pleure.

lundi 9 décembre 2013

Livre : Les derniers Indiens de Marie-Hélène Lafon
Une famille qui se meurt

Image : Amazon.fr
Les Santoire, une famille paysanne aisée, est en voie d'extinction, après quatre générations. La ferme est grande, trop grande, pour une famille petite, de plus en plus petite, rabougrie, tassée et recroquevillée sur elle-même. Elle se meurt en lançant des regards aux voisins, les Lavigne, qui vivent, rient, entreprennent, se reproduisent, font du bruit et dont les femmes portent des couleurs vives. 

 La famille Santoire agonise dans son Auvergne natale et enterre ses membres. Les grands-parents d'abord, puis le père qui ne possédait rien et qui a été épousé pour sa force de travail : on avait besoin d'un homme costaud à la ferme, et le fils aîné, Pierre, le préféré de la mère, malgré les humiliations qu'il lui aura infligées. Il sera le seul à quitter la famille, pour une divorcée, mère de deux enfants, et pire encore, il choisira l'usine alors que la ferme avait besoin de ses bras vigoureux. Mais, il retournera dans la maison de famille, « entre les mains de sa mère, défait, puni et crucifié d'avoir trahi » pour y mourir d'une maladie dont le nom ne sera jamais cité. 

A la mort du fils, la mère qui ne voulait pas se donner en spectacle allait peu sur la tombe, mais elle « se retirait dans la chambre dont les volets restaient fermés ». Priait-elle ? Pleurait-elle ? Elle mourut à son tour, « la bouche mince fermée sur les secrets de maison » et laissa les deux derniers descendants de la famille Santoire, ces deux autres enfants à l'âge déjà avancé, Jean et Marie, transparents et inodores. Leur vie est rythmée par les repas, le journal que Jean lit chaque matin et les prospectus publicitaires que Marie épluchent et classent sur une étagère, car jamais elle n'achètera quoique ce soit. Et, il y a les heures qu'ils passent à regarder par la fenêtre, les voisins d'en face, plus vivants et prolifiques que jamais. Modernes, travailleurs inventifs et ambitieux, ils ne cessent d'agrandir leur propriété et attendent que « Les derniers Indiens » rendent l'âme pour s'approprier terres, maison et tout ce que la famille Santoire aura accumulé pendant des décennies.

Ce livre magnifiquement écrit est un contraste bouleversant entre cette famille qui s'éteint, drapée dans ses convenances et ses principes et qui aura vécu toute sa vie à l'ombre d'elle-même et les voisins, résolument modernes qui entreprennent réussissent et vivent.

lundi 25 novembre 2013

Livre : « La femme parfaite est une connasse »

Ouais et après !

Image : Amazon.fr
Je me réjouissais de lire ce livre, enfin ce "carnet", car il ne pouvait pas se vendre à 200 000 exemplaires et être complètement nul. Bien sûr, j'avais quelques appréhensions, je le reconnais, mais ces deux filles étaient sympa, drôles, gonflées et intelligentes. Je pressentais un humour à deux sous, mais, comme l'article que j'avais lu sur elles dans un hebdo que je respecte m'avait séduite, j'ai fini par commander le livre à ne pas manquer.

Je suis heureuse de l'avoir terminé car le style et les clichés commençaient à me donner la migraine. Je ne m'attendais pas à énormément de subtilité mais à un peu plus tout de même. J'attendais l'anecdote truculente qui vous fait vous esclaffer, mais en vain. Je me suis ennuyée, mais surtout je n'ai jamais ri, à peine souri. La chose qui m'a plu a été le format du livre et je reconnais que le titre est extrêmement accrocheur, -il fallait l'oser- ainsi que la photo de couverture. Mes points positifs s'arrêtent là.


Si la femme moderne de 2013 est semblable à celle décrite, cela m'attriste beaucoup. Jusqu'à présent, je n'ai pas compris l'intérêt de ce livre mais sans doute est-ce un problème de génération. En tout cas, une chose est sûre après la lecture de ce «carnet», mon choix va irrésistiblement vers la connasse.

samedi 23 novembre 2013

Résurrection du chat condamné
Trois hommes et un chat


Il y a deux semaines je vous parlais de ce chat qui m'empoisonnait la vie. Rattrapée par mes scrupules, j'hésitais à le laisser mourir derrière moi. Non pas que je voue un amour inconsidéré pour ces félins mais ma conscience m'a dicté que cet animal, aussi idiot soit-il, méritait encore de vivre. Alors que faire ? J'avais tapé à beaucoup de portes et je n'avais obtenu que compassion de personnes qui se réjouissaient de ne pas être dans ma situation.

En désespoir de cause, me voilà en train de feuilleter la liste des associations susceptibles de m'aider quand soudain mon regard se fige sur « chats sans toit ».
http://www.le-chat-sans-toit.fr/
Le président, très impliqué par sa mission arrive immédiatement, muni d'une couverture. Après des essais infructueux ou mon aide consistait à me planquer derrière la baie vitrée, il fallait envisager une autre stratégie. Les pompiers ! S'ils m'avaient ri au nez, une semaine plus tôt, cette fois-ci, sollicités par le président « des chats sans toit », ils acceptent de se déplacer. Quelques minutes plus tard, les voilà qui descendent de leur camion avec cage, lasso et grande échelle qui ne passe pas dans l'appartement. L'opération capture de chat a commencé et trois hommes slaloment entre les plantes de ma cour pour attraper un chat qui bondit comme un ressort, s'élance contre la fenêtre et s'accroche à ce qu'il peut, c'est à dire au pantalon du président qui, pour juger l'état de la griffure, se retrouve en caleçon dans ma cour. De mon poste d'observation, bien à l'abri, j'hésite entre fou-rire et compassion. Il me demande un désinfectant, je lui apporte un parfum, qu'il refuse pour ne pas bondir à son tour... de douleur. Cette course folle a bien duré une vingtaine de minutes et, c'est au lasso finalement que le maudit animal a été attrapé. Je l'ai vu suspendu par le cou et déposé ensuite dans la rue. Dès qu'il recouvra sa liberté, il déguerpit comme un lapin et je pense qu'il ne reviendra pas de si tôt.

Aujourd'hui, je ris du comique de situation, mais je remercie infiniment ces trois hommes qui me sont venus en aide et qui ont vaillamment triomphé d'un chat devenu dingue !

lundi 11 novembre 2013

Mort programmée d'un chat

A mon retour de Montréal, je m'arrête chez moi, à Orange, pour déposer ma valise pendant quelques jours avant de continuer mon voyage vers Bujumbura. Il est tard. Je suis fatiguée, et je souffre du décalage horaire. Je m'approche de la porte-fenêtre pour regarder le jardin intérieur entouré de très hauts murs. Soudain, deux billes lumineuses me fixent. Je fais un bon en arrière. Mon cœur bat à tout rompre. Je pense aux mauvaises séries que j'ai vues. Je secoue la tête pour remettre mes idées en place et rouvre les yeux. Plus rien. C'est pire. Je n'ai pas eu une hallucination. Mon imagination galope. C'est un vieil immeuble du 17ème et quand nous nous sommes installés, le propriétaire précédent nous a expliqué qu'il avait tout "blanchi" y compris la cave romaine qui donne directement accès au salon. Des anciens Orangeois, au sens de l'humour particulier, nous avaient même dit que l'immeuble était construit sur un cimetière. Toutes ces histoires me reviennent. C'est l'horreur. 
trouvé sur http://www.dinosoria.com/chat_noir.htm
Le chat était apparenté au Diable au Moyen-Age. By HiggySTFC  
C'est à peine si je n'entends pas des chaînes autour de moi et des voix venues d'outre tombe m'appeler. Mes méninges dansent la carmagnole, non, c'est la danse des revenants. Je m'enferme dans ma chambre, essaie de chasser ces mauvaises idées et m'endors... avec la lumière. Le lendemain, plantée devant la porte fenêtre, je suis en proie à une profonde réflexion. Que faire ? Quand soudain un chat noir montre le bout de sa queue. J'ai peur des chats, sauvages, et surtout des noirs. En Afrique on dit qu'ils sont porteurs de mauvaises nouvelles ou l'incarnation de mauvais esprits. Ma parano me reprend. Du calme, me dis-je. Réfléchis. Mais, plus je réfléchis, et moins je comprends comment a-t-il pu arriver ici. Je prends mon courage à deux mains pour l'appeler et m'approcher de lui. Il me montre les dents et émet des grognements bizarres. Ni une ni deux, je fais demi tour et appelle un voisin qui arrive avec des croquettes. Sans plus de succès. J'ai appelé les pompiers qui m'ont gentiment ri au nez, la police municipale, a "d'autres chats" à fouetter, la femme de ménage a peur des chats, et impossible de joindre la spa les week-end et les jours fériés. Alors, que faire ? J'ai passé ces quelques jours barricadée chez moi avec des cadavres de pigeons qui gisent, le matin devant ma fenêtre. Le soir, j'aperçois l'ombre du chat, grossie par la lumière, qui rôde et je ferme les yeux. Demain matin, je pars et pour de longs mois. Dans un pays où des intellectuels ont signé un manifeste pour le droit des animaux, je me demande pourquoi il est impossible de trouver quelqu'un pour déloger un chat, qui, à mon départ, n'aura que le droit de mourir.

vendredi 8 novembre 2013

De qui se moque-t-on ?

image : www.parikiaki.com
Mardi, diffusion du documentaire "Campagne intime". Le couple Sarkozy-Bruni en toute intimité enfin presque.  L'intimité devant la caméra on repassera. Juste une image soigneusement étudiée pour nous les rendre accessibles et sympathiques. Mais pourquoi donc ?

Ce documentaire, on ne pouvait y échapper. Il a été annoncé et annoncé encore aux heures de grande écoute, pour être sûr de faire de l’Audimat. Mission réussie. Près de 2 000 000 de téléspectateurs ont pu voir l'ex-président "gouzyter" et "siffler" sa fille, (qui a très régulièrement détourné la tête ; c'est dur de mettre des enfants en scène), se pâmer d'admiration de devant sa femme, (tu es belle), sauf heureusement, quand elle prenait la parole, en réunion, pour exprimer son avis. Et Carla, quant à elle, au regard candide et à la bouche en cœur qu'on en oublierait presque son passé sulfureux, passe de la maman attentionnée, à la femme amoureuse et à l'épouse de président dévouée. Et, quand les dialogues faiblissent, c'est à dire souvent, elle chante... comme elle sait chanter.

Ce qui m'étonne avant tout est cette omni-présence de l'ex-couple présidentiel. Télés, radios, journaux, ils sont partout et si ce n'est pas l'un deux qui en Une ou les deux, c'est la famille élargie, la sœur ou la mère de Carla. On est cernés. On nous distille chaque jour un peu de Sarkozy-Bruni. On nous l'injecte en doses de plus en plus fortes, mais au lieu de créer une addiction, à cette allure, les communicants risquent bien de nous faire trépasser d'une overdose, car la route avant la prochaine présidentielle est encore longue. Nicolas Sarkozy a raccroché de la politique. Vraiment ! Alors pourquoi continue-t-il avec sa femme à hanter les médias ?

dimanche 20 octobre 2013

Crash Lao Airlines : Un pari macabre

Pendant les 4 années où j'ai résidé au Laos, des amis et moi parions que tôt ou tard une catastrophe aérienne se produirait. La seule inconnue était la ligne mais nous envisagions deux destinations Vientiane-Pakse-Siem Reap et retour et Luang Prabang. Les Nations Unies avaient interdit à leurs experts de voyager avec Lao Airlines et les personnes qui se déplaçaient à titre privé ou qui travaillaient pour des organisations moins draconiennes, préféraient ignorer les risques qu'ils couraient.

Personnellement, je n'ai pas oublié mon retour de Siem Reap au Cambodge lorsque notre avion, très incliné, perdait rapidement de l'altitude. Après s'être posé sans que nous sachions exactement où, nous avions attendu longtemps avant d'être évacués. Les membres de l'équipage allaient et venaient dans l'avion avec des extincteurs sans nous parler. Des hublots, nous ne voyions que les rizières. Une passagère à bout de nerfs et exaspérée par l'attitude du personnel s'était levée et avait interpellé avec véhémence une hôtesse, qui nous avait assuré que tout allait bien. C'est seulement après un long moment que nous avons quitté l'avion, toujours sans explication.

Le lendemain, je me suis rendue à l'agence de voyage qui m'avait vendu les billets pour lui exprimer mon inquiétude et demandé si elle était au courant de la catastrophe que nous avions frôlée. "Oui", m'avait-on répondu, "il y a eu un problème technique" ; fin de la discussion.

Ce crash de Lao Airlines de cette semaine est une vraie catastrophe, même si je ne suis pas vraiment surprise. Servira-t-il d'exemple aux autres compagnies ? Je pense en l'occurrence à Kenya Airways (The Pride of Africa) qui laisse ses passagers en rade soit car ils ne sont pas assez nombreux soit au contraire parce que les vols ont été surbookés. Cela est désagréable mais ne présente pas de danger. En revanche, se retrouver cloué à Paris dans un de leurs avions dont la porte ne ferme pas ou survoler trois fois Kinshasa à cause d'un problème de train d'atterrissage est bien plus inquiétant.

jeudi 17 octobre 2013

Livre : Amélie Nothomb, la Nostalgie heureuse
Une sincérité troublante

image : fnac

Un jour où Amélie Nothomb était invitée à une conférence à Carpentras dans le sud de la France, elle fut interpellée par un membre de l'assistance sur sa production littéraire pléthorique et la qualité inégale de ses romans. Sans complexe elle compara ses livres à des enfants, tous uniques, tous différents, parfois plus ou moins réussis, mais toujours dignes d'amour.

Avec son livre « la nostalgie heureuse », elle vient de signer un très beau récit qui m'a frappée par sa sincérité. Il n'est pas toujours facile de parler de soi en respectant l'objectivité et il est encore plus difficile de se mettre en scène dans des circonstances ingrates ou peu flatteuses. Amélie Nothomb ne joue pas à la star. Elle s'en moque. Elle est un écrivain célèbre, certes, et elle le sait, mais elle est avant tout une femme, comme les autres, avec une sensibilité exacerbée, ses faiblesses, ses sentiments, ses doutes, ses peurs et ses interrogations. Et des interrogations, elle en a en permanence par crainte de décevoir ou d'être déçue.

Dans son livre elle nous fait visiter le Japon de son enfance, de l'âge adulte et de l'amour. On l'accompagne à la redécouverte de certains lieux qui furent les siens, des lieux où elle fut heureuse car le Japon vit en elle. Magnifique narratrice, elle nous balade, toujours avec pudeur et respect dans sa vie même si parfois elle élève des barrières que nous respectons.

Nostalgie heureuse est l'un des meilleurs livres que j'ai lus lors de cette rentrée littéraire et son style est presque une offense pour tous les jeunes auteurs, tant elle écrit bien.

RD-Congo : Une case, quatre classes

Nous nous garons à côté d'un bâtiment rectangulaire au toit de chaume, sans porte et sans fenêtre. Juste des rondins de bois superposés. C'est une école me dit-on. Je m'approche et regarde par les interstices. Des dizaines de minois se tournent vers moi. Un jeune instituteur sort saluer la délégation, un vieux manuel de français à la main. Une discussion s'engage. Il nous explique son travail et les conditions dans lesquelles il le dispense. Dans cette école, soixante neuf enfants assis à même le sol sont répartis en 4 sections. Pendant qu'il donne ses explications, je m'éclipse pour  entrer dans la case et regarder de plus près tous ces enfants, trop pauvres pour espérer un jour étudier loin de leur village. La petite Ayélé qui sommeille en moi n'est jamais très loin et je ne peux m'empêcher de penser que si ma mère ne s'était pas occupée de moi, j'aurais pu, moi aussi, grandir comme eux. Sans espoir.
Dans la case, deux tableaux, un devant lequel un élève de la grande section conjugue l'auxiliaire être au futur. Certaines terminaisons sont fausses. J'établis avec lui un langage des signes pour lui montrer ses erreurs et qu'il les corrige. Après avoir gentiment triché dans le dos de l'instituteur toujours occupé à palabrer, je me retourne vers le tableau de la petite section. Aïe ça se corse. Une phrase écrite en Kiswahili. Je sens que malgré leur intimidation de voir une Mzungu dans leur classe, ils n'ont qu'une seule envie, se payer ma tête. Leurs yeux rigolent même s'ils essayent de ne pas sourire. Je me lance. Après avoir lu ma phrase avec maintes hésitations, je les abandonne à leurs éclats de rire.

 Avant de prendre congés de l'instituteur, je lui demande si tous les enfants sont là. Non, à peine 40 %. Seuls sont présents ceux dont les parents ont pu payer les frais de scolarité : 1 Euro/mois. Ce constat  me désole et je veux me raccrocher à une perspective plus positive. Combien d'entre eux pourront alors étudier plus tard à l'université. La réponse tombe, brutale : aucun.

Nous remontons dans nos véhicules pour poursuivre notre visite. Je pense aux Nations Unies et aux objectifs du millénaire qui prévoyaient d'assurer l'éducation primaire pour tous. Bibokoboko en est-il exclu ? Derrière moi, je laisse des dizaines d'enfants qui resteront toujours en dehors de la marche du monde, malgré le sacrifice des parents pour les scolariser.


mercredi 16 octobre 2013

RD-Congo : Le village sans nom


Avant d'arriver dans les moyens plateaux à Bibokoboko, un village a vu le jour il y a à peine trois ans et ne cesse de s'étendre. Les cases se succèdent, certaines sont en construction et les briques sur le bord de la piste nous confirment que l'exode pour le village sans nom, n'est pas terminé.

Tout a commencé avec la construction d'une piste par la coopération allemande (GIZ) entre Bibokoboko et Baraka, Sud Kivu. La région, moins enclavée, permettait à la population constituée en grande majorité d'éleveurs, de se rendre plus facilement dans la grande ville, au marché et à l'hôpital. Car, si à l'époque, la population n'avait pas d'autres choix que d'être acheminée, à pied, au dispensaire le plus proche, accompagnée de prières aux aïeux pour que leur fin soit différée, il en est tout autre aujourd'hui. En effet, les urgences médicales se font par mobylette, -si elle est disponible- et être malade ou sur le point d'accoucher, assise à califourchon sur un porte bagages requiert encore une assistance divine de tous les instants pour ne pas rejoindre St Pierre prématurément ! Mais, c'est malgré tout un immense soulagement pour la population de savoir qu'une évacuation est toujours possible.

Ainsi donc, cette piste a changé la vie des autochtones, des éleveurs surtout, et a drainé des cultivateurs dans la plaine. Comme aux États-Unis il y a des siècles les gens arrivent avec baluchon et famille et s'installent là où la terre est gratuite et cultivable. Et de la terre il y en a ! Le Congo est immense et n'importe qui peut installer sa case à la campagne sans les tracasseries du cadastre, de l'urbanisme ou des titres fonciers. L'immensité est à leur portée. Des terrains à perte de vue où les familles peuvent s'installer pour cultiver le manioc, la patate et le haricot. Comme le village que j'ai volontairement baptisé "le village sans nom". Beaucoup d'autres ont éclos dans la région. Des cases rondes ou rectangulaires qui abritent une population discrète et laborieuse, oubliée des instances dirigeantes qui siègent dans les bureaux feutrés de Kinshasa et qui doit son salut à la coopération technique étrangère.


dimanche 6 octobre 2013

La lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson :
une vie de solitude


Image: amazon.com
La lettre à Helga, de Bergsveinn Birgisson a connu un vif succès dans les pays scandinaves et vient d'être traduit en français. Il fait partie des recommandations de la rentrée littéraire.

Bjarni Gislason, éleveur de moutons en Islande, se partage entre ses troupeaux, les pêches solitaires et sa tâche de contrôleur du fourrage. Marié à Unnur, qui n'a jamais pu avoir d'enfants et qui parle d'elle "comme une brebis stérile bonne à mettre au rancard", il succombe, un jour, sur un tas de foin, "aux mamelons sacrés" d'Helga et à "ses hanches qui s'évasent à partir de la taille".

Mais, malgré la passion qu'il éprouve pour cette femme, et l'enfant illégitime qu'elle porte, il refusera de s'installer avec elle à Reykjavik, la capitale. Il ne peut abandonner la terre de ses aïeux, sa campagne et ses moutons. Une immense solitude va s'emparer de lui et il va vivre chaque jour de sa vie avec la lueur d'espoir de retrouver l'amour.

Ce roman écrit comme un monologue est une histoire d'amour impossible qui met en exergue la dualité de Bjarni qui préférera rester toute sa vie auprès de sa femme, même s'il ne l'aime pas. Le thème de l'homme qui renonce à l'amour, à une maîtresse par crainte, faiblesse ou lâcheté n'a rien de novateur. Hélas ! Toutefois la confession de ce vieillard qui se dépeint comme "un bonhomme qui a préféré croupir plutôt que suivre l'amour" reste très émouvante.

mardi 1 octobre 2013

Errance et Indifférence :
une femme et son fils arrivés des Comores passent toute une nuit à Lyon St Exupéry, dans l'indifférence totale

Fatiguée, j'arrive à l'aéroport de Lyon St Exupéry en provenance de Bujumbura. Le vol a décollé avec près de trois heures de retard et je n'ai qu'une seule hâte, prendre le premier train pour Avignon et arriver chez moi pour me reposer quelques instants avant le mariage. Après avoir attendu en vain ma valise qui est restée à Bruxelles, je décide de ne pas perdre plus de temps et je me rends directement à la gare TGV de l'aéroport. Il est déjà midi. Les passagers vont et viennent. Certains scrutent les tableaux de départ, d'autres, assis, attendent patiemment leur train. A quelques mètres d'eux, une femme d'une trentaine d'années, noire, l'air abattu, attire mon attention. Elle erre dans le hall de la gare. Elle avance, recule, hésite. Elle ne sait où aller. Elle semble exténuée. D'énormes cernes creusent son visage. Intriguée, je m'approche d'elle pour lui demander si elle a besoin d'aide.

La gare tgv St Exupery; image: es.wikiarquitectura.com
Elle arrive des Comores avec son fils, un enfant d'une dizaine d'années, assis à quelques mètres d'elle, au milieu des valises et un pied sur la glacière. A sa descente d'avion, à Roissy, Marseille lui semble proche. Elle prend le TGV. Dans son enthousiasme et maîtrisant mal le français, elle descend à la mauvaise gare. Commence alors son errance dans le hall de la gare de Lyon St Exupéry pendant 24 heures, sans manger, sans argent, et sans savoir à qui s'adresser. Pendant ce temps, à trois cents kilomètres de là, un père inquiet l'attend, sans nouvelle. Elle ne peut pas le joindre. Elle n'a pas le roaming. 

Pour essayer de régler son problème rapidement dans une France que je connais, je lui demande de me suivre, -non pas parce que j'ai la bonne couleur-, mais j'ai au moins l'habitude de me frotter à mes concitoyens. Des regards réprobateurs commencent à nous scruter, le préposé de la SNCF pour se débarrasser de nous, nous propose une solution onéreuse, inacceptable pour la jeune femme. Il faut dire qu'en même temps, il commente au téléphone avec un collègue, les numéros gagnants du loto. Pendant trois quarts d'heure, on nous a baladées d'un endroit à l'autre, du comptoir SNCF au comptoir OUIGO en sous sol à côté des toilettes, avec comme seul interlocuteur un interphone et une voix. Jamais je n'aurais pu imaginer une telle indifférence. Des vigiles nous ont indiqué des personnes que nous n'avons jamais trouvées. Enfin, après avoir tourné en rond assez longtemps, je décide, excédée, de retourner au comptoir SNCF pour trouver une solution. Le "lotoman" avait disparu, il était l'heure du déjeuner, et il était remplacé par une femme qui après avoir entendu le calvaire que venaient de vivre la passagère et son fils, a immédiatement accepté de changer les billets de train, sans pénalité.

De soulagement, la jeune femme s'est mise à sangloter et a remercié Dieu. Nous avons voyagé ensemble jusqu'à Avignon. Aujourd'hui je pense encore à elle et je l'imagine à Marseille. J'espère qu'elle passe un bon séjour et je suis sûre que sa mauvaise expérience se sera dissipée dès qu'elle aura soulevé le couvercle de sa glacière et qu'elle aura partagé avec sa famille quelques douceurs des Comores.

jeudi 26 septembre 2013

On ne choisit pas d'aimer quelqu'un du même sexe, c'est l'amour qui choisit !

échange des anneaux.
Comme je vous l'avais annoncé sur ma page facebook, Christophe et Lionel se sont mariés lundi 23 septembre à Orange. Sans tapage. Et pourtant c'était facile. Fief d'extrême droite, interventions télévisées du maire et de son épouse pour exprimer chacun à leur tour leur hostilité au mariage pour tous. Démarches parfois difficiles pour concrétiser leur union. Tous les ingrédients étaient là pour une ultra médiatisation qui n'aurait eu, comme effet, que de stigmatiser encore davantage la communauté homosexuelle.

De la pub, ils n'en voulaient pas, ils n'en ont jamais voulu. Bien au contraire ! Leur option, la discrétion, et leur mariage fut à leur image, simple et champêtre, mais le discours prononcé à la mairie par l'un des mariés a ému l'assistance par la justesse et la profondeur du message.

"Au moment même où nous affichons notre bonheur, je pense à tous les homosexuels, garçons et filles, qui à travers le monde souffrent de ne pouvoir s'aimer au grand jour. On ne choisit pas d'aimer quelqu'un du même sexe, c'est l'amour qui choisit, décide, dirige et gouverne nos vies. Je suis heureux aujourd'hui d'épouser Lionel, l'homme que j'aime. Je suis d'autant plus heureux de me marier dans un pays démocratique qui offre le droit à tous, de pouvoir concrétiser leur amour par les liens sacrés du mariage. Je voudrais aussi ajouter que je suis heureux que notre union soit célébrée par Madame Liliane Rare, adjointe au patrimoine et à la culture car sa sensibilité, son sens de l'humanité me vont droit au cœur. Je suis fier de compter parmi ses amis." (Christophe)

mardi 17 septembre 2013

Livre : "Baho" de Roland Rugero

image: http://www.librairiepantoute.com

Le livre de Roland Rugero "Baho", 110 pages, édité dans le sud de la France chez Vents d'ailleurs, se lit bien. L'histoire est intéressante et originale. Il décrit avec beaucoup de finesse une société burundaise traumatisée, la barbarie des hommes, la vulnérabilité des infirmes, en particulier celle de Nyamuragi le muet, accusé injustement de viol. L'effet de foule, la projection des turpitudes de chacun, la célérité à tuer un être humain sans jugement pour assouvir une soif de vengeance et de pouvoir, la sagesse de la vieille borgne qui suit à distance les événements, et une fin qui me donne encore la chair de poule. Tout est là pour que le livre soit lu jusqu'au bout. 


Mais, en tant que lectrice, si j'ai aimé le fond de l'histoire, j'ai moins apprécié la forme. Le style est parfois maladroit avec le goût prononcé de l'auteur à placer les adjectifs avant les noms : " d'urgents besoins, le noble haricot, les nobles âmes, il broie ferme poulets, le sage homme, etc., sans compter quelques maladresses "un long moutonnement de bruissements" ou "Il était saoul d'invitations à aller prendre quelques coups de vin de banane, avant même d'avoir commencé à boire".

Si le livre pèche par quelques maladresses, il reste globalement un bon livre et Roland Rugero, qui est encore très jeune, a un vrai talent d'écrivain.
Roland Rugero , écrivain (www.akeza.net)

lundi 16 septembre 2013

Théâtre à l'Institut français du Burundi : "Machine 26, couloir C"

Un bon divertissement


image: http://www.iwacu-burundi.org
Il y a deux mois, j'avais émis mon avis sur un ténor qui avait annulé sa prestation, trois jours avant la date fixée, aux chorégies d'Orange. Tollé général, une avalanche de messages, souvent injurieux, m'avait été adressée car on ne touche pas aux idoles de certains. Soit ! Chacun peut être fan de qui il veut, tant que la liberté d'expression est respectée. En revanche, le racisme véhiculé dans les messages qui me demandaient "de retourner dans mon Burundi" m'interpella.

Il est bien évident que pour tous ces détracteurs qui se cachent derrière l'anonymat, un Africain ou quiconque habitant en Afrique est dépourvu de toute connaissance et de tout sens critique. Je suis de retour à Bujumbura où je réside depuis deux ans et c'est vrai qu'ici, nous ne disposons pas des infrastructures présentes dans les grandes villes européennes, ni de leur éventail culturel. Pourtant les choses bougent. Des initiatives sont prises et des spectacles se montent. Ainsi, vendredi et samedi soir, à l'institut français du Burundi était présentée la pièce de théâtre "Machine 26, couloir C". Une pièce agréable, écrite par Patrice Faye et interprétée par la troupe Burundaise Pili-pili, ce qui prouve la volonté et le potentiel culturels qui existent dans ce pays.

Malgré un prix d'entrée modique (environ trois euros) par rapport aux montants pratiqués en occident, les comédiens n'ont pas ménagé leurs efforts pour monter ce spectacle et divertir le public. Nous sommes bien loin des caprices de stars qui sont payées des milliers d'euros. Alors, pour tous ceux qui critiquent un pays qu'ils ne connaissent pas, je les invite à venir juste une fois au Burundi et ils comprendront ainsi qu'un pays, même pauvre, ne mérite pas d'être traité avec condescendance.

dimanche 8 septembre 2013

Michel Kayoya (1934-1972) : Une référence au Burundi

Michel Kayoya sur wikipedia
Burundais, catholique, le père Michel Kayoya est né le 8 décembre en 1943 à Kibumbu et arrêté durant la nuit du 13 mai 1972 à Gitega où il sera exécuté. De 1948-1955, il passe au Petit Séminaire de Mugera et de 1955-1958, il entre au Grand Séminaire de Burasira où il poursuit des études de philosophie. Il part ensuite en Belgique au Scolasticat des Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs) mais décide finalement de rentrer dans son pays natal, en 1962. Le 8 juillet 1963, il est alors ordonné prêtre dans l'archidiocèse de Gitega .

D'une personnalité hors du commun, le père Michel Kayoya marque le Burundi par sa pensée et exprime ses idées dans deux livres : Entre Deux Mondes (1970) et Sur les Traces de Mon Père (1971) dans lesquels non seulement il dénonçe la situation socio-économique et politique de son pays, mais il invite aussi la jeune génération à retourner aux sources de l'humanisme de ses pères. D'une profonde bonté et épris de justice, le père Michel Kayoya n'a cessé de prêcher l'amour par l'exemple jusqu'au jour de son exécution où, face aux soldats, il leur prononça encore des paroles de pardon.

Michel Kayoya, par son action, ses livres et sa mort tragique lors des événements de 1972, alors qu'il n'avait que 38 ans, font de lui non seulement un héros mais une référence présente dans l'esprit de tous les Burundais.
images de http://www.mafrome.org/ordinatio/kayoya_michel_2_livres.jpg


Livre : Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka

Le voyage de la désillusion

sur Amazon
Le périple de ces femmes japonaises commence sur le bateau, lors de leur traversée du Pacifique à destination des Etats-Unis. Le décor est immédiatement planté. La saleté, les puces, la vétusté de leur embarcation, les odeurs, la crasse, les punaises, tout tranche avec leur fragilité et leur finesse. Pauvres, elles le sont, mais pas dépourvues de leurs coutumes et de leur délicatesse. "Dans leurs malles, elles avaient emporté un kimono de soie blanche pour leur nuit de noces, des pinceaux à calligraphie et de fines feuilles de papier de riz afin d'écrire de longues lettres et un minuscule bouddha de cuivre". Cette opposition, nous allons la retrouver tout au cours du livre. Sur le bateau qui les emmène loin de leur famille, elles s'imaginent habiter dans une vaste maison confortable et accueillante avec un mari aussi beau et séduisant que celui de la photo qu'elles conservent dans un médaillon et qu'elles ne cessent d'admirer. Mais la réalité va les frapper de plein fouet à peine le pied posé à terre. Des hommes rustres, aux vêtements rapiécés, les attendent pour les conduire dans leurs nouvelles demeures : "une longue tente sous un prunier, un lit de camp dans un baraquement, un dortoir en planche, une paillasse dans l'écurie, un tas de foin posé sur trois caisses de pommes sous un pommier". Une pauvreté à l'état pur que l'auteure dépeint sans ambages et qui nous fait découvrir des jeunes femmes isolées, confrontées à un problème de langue, fragilisées, coupées de leur famille et de leurs traditions, des jeunes japonaises réduites à l'esclavage et exposées à la raillerie et à la cruauté.

Ce livre est d'autant plus émouvant qu'il est actuel. La détresse des immigrantes nous renvoie aux étrangers qui, chaque jour, quittent leur pays, pour une vie qu'ils veulent meilleure. Combien d'entre eux acceptent de travailler au noir, sans protection sociale pour un salaire de misère ? Combien de jeunes femmes trompées et abusées se retrouvent à arpenter les trottoirs des capitales européennes sans espoir d'un avenir meilleur ? Combien d'hommes et de femmes, trop crédules se sont installés au bout du monde pour vivre un amour qui s'est rapidement transformé en cauchemar ?

Enfin, ce livre, je ne lai pas lu comme un roman, mais comme une étude sociologique et les incessantes énumérations de l'auteure qui donnaient, au début, de la force à son récit, ont fini par me lasser. Toutefois, "Certaines n'avaient jamais vu la mer" reste, malgré tout, un livre intéressant.

dimanche 25 août 2013

Livre : Jonas Jonasson "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire"

Un air de déjà lu


Dans le TGV Paris-Avignon. Un homme assis en face de moi, absorbé par son livre, s'esclaffe soudain. Je lève les yeux de mes magazines et l'observe. Il me sourit et reprend sa lecture. Je reconnais la couverture. Ce vieillard au garde à vous en combinaison en éponge rose est unique. Après avoir maintes fois hésité à l'acheter, c'est décidé, après "la douce empoisonneuse" de Arto Paasilinna, je lirai "le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire". Après tout la Finlande et la Suède ne sont pas si éloignées.

image : Amazon
image : Amazon
Très vite mon attention tombe. J'ai une impression de déjà vu, de déjà lu. Le roman ne manque pas d'intérêt, de rythme et pourtant je me surprends à le lâcher à plusieurs reprises. Mais pourquoi donc ? Tout est là. Le vieux est drôle et attachant avec un bon sens à la limite de l'idiotie. Ses rencontres sont désopilantes mais les similitudes entre les deux livres, le style, les péripéties, les personnages me gênent et je regrette d'avoir enchaîné les deux bouquins. L'humour un peu décalé ne m'amuse pas. Parfois un sourire qui se meurt entre deux soupirs. Je l'ai lu pourtant jusqu'au bout en me demandant souvent ce qui différenciait ce roman de celui de Paasilinna. Il est évident que si j'avais commencé par "le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire", je l'aurais lu avec plaisir. Hélas, ce ne fut pas le cas et au fur et à mesure que j'avançais dans le récit, j'avais l'impression de retrouver l'esprit du livre de l'auteur finlandais.

J'ai commis l'erreur de les lire l'un à la suite de l'autre. Je l'admets. Le souvenir de "La douce empoisonneuse" était beaucoup trop présent pour que j'apprécie "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire" à sa juste valeur. Alors, prise de remords de m'être ennuyée dans le roman de Jonasson et pour m'assurer que ces ressemblances n'étaient pas le fruit de mon imagination je me suis intéressée aux deux auteurs. Jonas Jonasson est un grand admirateur de Arto Paasilina. On l'aura deviné !

samedi 17 août 2013

Vacances culturelles en Provence


Culture et sorties: Le Mont Ventoux
Toute l'année, on les attend, on en rêve, on les prépare et enfin elles arrivent, elles sont là,... nos vacances. Un ou deux mois à Orange, dans le sud de la France, pour se ressourcer culturellement. Le bonheur assuré car, même si l'expatriation c'est sympa avec des séjours ensoleillés aux saveurs épicées et aux spas feutrés, le quotidien manque cruellement d'expos internationales, d'art lyrique et de danse classique ou contemporaine. Alors, hop, nos valises à peine posées, nous nous concoctons notre programme et à nous la joie de profiter d'un environnement éclectique car cette région de France est, il faut le reconnaître, particulièrement riche en événements culturels.

Si une partie de la famille opte systématiquement pour le festival d'Aix et la Roque d'Anthéron, notre choix se porte sur les chorégies d'Orange. Normal, nous sommes devenus Orangeois d'adoption. Mais masos, nous ne le sommes pas et au prix des places, nous évitons soigneusement les "stars" qui nous ont déçus. Une fois, mais pas deux. Nos pérégrinations nous ont aussi conduits à Vaison-la-Romaine pour deux ballets, Dada Masilo Swan Lake et Mudéjar de la Compania Miguel Berna et naturellement Avignon pour humer cette ambiance de théâtre. Enfin, nous avons eu beaucoup de plaisir à assister à plusieurs concerts violon, piano- dans le cadre des Musicales en Tricastin organisées à Saint-Paul Trois-Châteaux et Suze-la-Rousse. S'il nous reste encore un peu de temps nous espérons bien voir l'expo de Cézanne à Matisse au musée Granet d'Aix et la boucle sera presque bouclée.

Chaque année, la mort dans l'âme, nous devons amputer notre programme très ambitieux à notre arrivée, car non seulement notre temps est compté, mais surtout, pas encore doués d'ubiquité, nous ne pouvons assister à toutes les représentations qui souvent se chevauchent. Mais qu'à cela ne tienne, pendant notre séjour, notre cœur vit au rythme des émotions, des découvertes et parfois des déceptions, et reboostés, nous repartons, heureux, dans nos contrées lointaines.

Jazz à Orange
image : nosfestivals.fr



Les chorégies d'Orange - Un Bal Masqué de Verdi : La suprématie des femmes


Pour célébrer le bicentenaire de la naissance de Wagner et Verdi, les chorégies ont programmé deux opéras jamais interprétés au théâtre antique d'Orange, "Le Vaisseau fantôme" de Wagner le 12 juillet, et "Un Bal Masqué" le 3 et 6 août. Si la deuxième représentation du Vaisseau Fantôme avait été annulée, les deux représentations du compositeur italien avaient été maintenues et le public s'était pressé au théâtre antique, un coussin sous le bras, car on ne peut oublier longtemps l'inconfort des gradins en pierre.

Si cet opéra était une première à Orange et qu'il fut, malgré tout, un moment agréable, il ne restera pas gravé dans les mémoires, sauf l'interpétation des trois femmes qui, dommage pour les hommes, les ont de loin surpassés. Kirstin Lewis soprano noire américaine de l'Arkansas qui faisait sa première apparition aux chorégies fut extraordinaire dans son interprétation d'Amelia, la femme infidèle, Sylvie Brunet-Grupposo a été impressionnante par sa présence dans le rôle d'Ulrica et Anne-Catherine Gillet, pétillante dans Oscar fut sans doute la révélation de la soirée. Face à elles, Ramon Vargas, le tenor mexicain qui incarnait Gustav III, roi de Suède alias Ricardo duquel se dégageait pourtant un côté fort sympathique manquait parfois de puissance, malgré sa voix, mais il n'est pas donné à tout le monde de chanter à Orange, et Lucio Gallo, le baryton, dans le rôle du comte, alias Renato, peinait avec sa voix légèrement enrouée. Heureusement, la direction musicale qui avait été confiée à Alain Altinoglu fut un vrai régal.

La mise en scène de Jean-Claude Auvray très épurée, pour ne pas dire extrêmement minimaliste, une chaise que l'on déplaçait et des bancs, fut saluée par des huées et des sifflets à la fin du spectacle. Enfin quelques anachronismes comme la monture des lunettes du comte et la montre qu'il a portée au poignet pendant toute la représentation ont contribué à perturber mon plaisir.

mardi 23 juillet 2013

Les Chorégies d'Orange - Der Fliegende Holländer - Le Vaisseau Fantôme

Le bicentenaire de la naissance de Richard Wagner qui est célébré dans le monde entier, ne pouvait échapper à la programmation des Chorégies d'Orange. Ainsi, son opéra « der Fliegende Holländer », « le Vaisseau Fantôme », nous a été proposé le 12 juillet.

Étrange, malgré l'annulation de la représentation du 15, le théâtre n'était pas tout à fait plein. A croire que le compositeur allemand ne fait pas l'unanimité dans cette ville du Sud de la France. Soit, le spectacle fut intéressant, la mise en scène  audacieuse et les décors ingénieux. Les voix, pourtant, et particulièrement celle du Holländer, interprété par Egils Silins, étaient parfois étouffées par l'orchestre. Phénomène plus ou moins amplifié que j'avais déjà remarqué dans les opéras des années précédentes. Egils lui-même, après la générale, m'avait confié qu'il lui était difficile d'entendre sa voix, et, avec humour, avait ajouté : « Je ne m'entends pas, mais j'estpère que c'est bon! » 

Enfin, c'est dans le troisième acte, que la voix du Holländer, majestueux à la proue de son vaisseau, domine la scène quand il surprend Senta et Erik. Et c'était bon.

Les Chorégies d'Orange - Lang Lang : un moment de vrai bonheur

Incroyable, génial, inouï, extraordinaire, à la fin du concert du pianiste chinois, les compliments et les adjectifs les plus élogieux fusaient de toutes parts. Parfois même, des spectatrices, encore sous l'émotion, essuyaient subrepticement une larme qu'elles n'avaient pu retenir.

Ce fut un moment de vrai bonheur, un délice, des perles de musiques que Lang Lang nous a offertes dans l'interprétation des sonates de Mozart. Chopin, qu'il affectionne particulièrement, était d'une incroyable beauté. Les sentiments du compositeur fort, émouvant et torturé coulaient sous les doigts du pianiste.

Si l'amour du détail de Lang Lang et son maniérisme sont parfois montrés du doigt par des mélomanes confirmés, qu'importe, sa prestation fut excellente et les rappels au cours desquels il a pu laisser libre cours à sa fantaisie resteront un moment inoubliable des Chorégies.

samedi 20 juillet 2013

Les chorégies d'Orange - Roberto Alagna : Et de deux !

Il est difficile d'oublier la piteuse prestation de Roberto Alagna dans Turandot, l'année dernière, aux chorégies d'Orange. Pourtant, les inconditionnels étaient prêts à excuser, mieux à pardonner leur idole qui, par manque de travail, avait non pas massacré le Nessun dorma mais pire, s'était retrouvé sans voix, prétextant qu'il souffrait d'une maladie qui affectait ses cordes vocales. Soit, le public n'est pas complètement idiot, mais difficile pour lui d'exiger un certificat médical. Si on se réfère à une interview qu'il avait donnée, il n'excellait que dans l'improvisation. A croire qu'il s'agissait d'une vie antérieure !

Cette année, le ténor était une fois encore programmé aux chorégies dans un concert lyrique avec la soprano Anna Caterina Antonacci, comme si les chorégies ne pouvaient exister sans lui. Et patatra, trois jours auparavant, annulation du concert. Son altesse sérénissime se désistait pour cause de... maladie. A croire que son état de santé se dégrade à chaque fois qu'il doit venir chanter à Orange. Et si la vérité était ailleurs ? A une époque où l'information, même au bout du monde, se propage à la vitesse d'un clic, il est évident qu'une représentation de Roberto Alagna, à Marseille, c'est comme si on y était alors, quand la star est huée, on l'entend les protestations du public, déçu, jusqu'à Orange !

dimanche 30 juin 2013

France, Musiques en fête aux chorégies d'Orange : Une partition en bémol

Voir l'article sur Toutelatele.com ici
Cette année encore, Musiques en fête en direct des chorégies d'Orange, l'événement musical du début de saison, a été retransmis sur Fr 3. Les chanteurs lyriques se sont succédés pour interpréter des airs d'opéra les plus connus car il faut bien l'admettre, l'opéra n'est pas encore un art populaire même si certains extraits se sont insidieusement installés dans les consciences françaises, à force d'être utilisées dans les publicités même les plus farfelues.

Pour faire de l’Audimat, rien de mieux que d'inviter aussi quelques vedettes de la chanson française, sur le déclin, mais qui essaient encore de donner de la voix sous la statue de l'empereur Auguste, majestueux et bienveillant à l'égard des artistes. Cette année, Nicoletta a entonné pour la dix millième fois -au moins- Mamy Blue et malgré ses efforts et un micro, elle a eu quelques difficultés à rivaliser avec Ruggero Raimondi, Vittorio Grigolo, Patrizia Ciofi ou Julie Fuchs. Mais soyons indulgents, chanter dans ce magnifique théâtre romain, devant 9 000 personnes et partager l'affiche avec des ténors, des sopranos et des barytons dont les voix emplissent le théâtre et nos cœurs peut, je le concède, être une redoutable épreuve. 

Ainsi donc, ce spectacle gratuit du 20 juin a drainé des milliers d'Orangeois qui n'ont pas toujours accès aux opéras. En quelques heures tous les billets avaient été distribués, sans aucune distinction, pénalisant ainsi les mélomanes qui n'hésitent pas à dépenser beaucoup d'argent pour assister aux concerts et opéras chaque année. Cette initiative de rendre l'opéra accessible à tous est sans doute louable, mais le bureau des chorégies ne pourrait-il pas réserver des billets pour ceux qui permettent de continuer à les faire vivre ? Même les magasins ont une politique de fidélisation pour leurs meilleurs clients !

A force de persévérance et de relations, j'ai pu obtenir deux places pour le concert auprès d'amis. Surprise totale car si les années précédentes le programme avait été affiché partout dans la ville, cette année, il avait été  gardé secret. Sans doute, les chorégies avaient-elles eu des difficultés à le ficeler, à temps. Le résultat comparé avec les années précédentes fut  assez décevant. Trois heures de spectacle de qualité inégale où le commentateur qui ne maîtrisait pas son conducteur comblait les blancs avec des questions dénuées de toute pertinence. Des problèmes de micro accentuèrent cette impression de dilettantisme et la programmation, intéressante, certes, n'était pas aussi audacieuse que les années précédentes. Pire, hormis quelques stars du lyrique habituées des chorégies et qui se sont prêtées au jeu pour donner un côté international et upgraded cet événement musical, il en résulte toutefois une désagréable impression de remplissage. Beaucoup de jeunes talents qui ne mobilisent pas encore les foules. Mais que faire quand les finances ne suivent pas et qu'il faut assurer trois heures de direct ?

Beaucoup de frustrations et de déceptions pour cette soirée qui ne restera pas gravée dans ma mémoire. Wagner "Le Vaisseau Fantôme" et Verdi "Un Bal Masqué" sont au programme des chorégies de cette année ainsi que Mozart et Chopin interprétés par le pianiste chinois Lang lang. De quoi, je suis sûre, satisfaire les amoureux de la musique classique !

lundi 13 mai 2013

Le Café Gourmand, un an déjà !


Il y a un an, la France élisait son nouveau président. La communauté française du Burundi se rendait à l'ambassade, et, après l'isoloir, de quoi parlait-elle ? Des élections ? Non, pas uniquement, mais de l'ouverture du Café Gourmand et de sa baguette aussi croustillante que celle qu'on achète là-bas, où l'on ne rigole pas avec la gastronomie. Discrètement coupée, dans un bureau, à l'abri des regards, quelques chanceux avaient pu la goûter après leur devoir civique accompli. Un morceau de pain mangé avec délectation. N'était-ce pas un avant-goût du paradis !
Si le premier anniversaire du Président français a été ultra médiatisé pour des raisons que je me garderai de commenter, l'anniversaire du Café Gourmand qui a contribué à embellir la vie d'une bonne partie de la population de Bujumbura fut nettement plus discret. Comme à l'accoutumée, les clients allaient et venaient, les bras chargés de pains et de pâtisseries, pendant que d'autres, attablés, bavardaient ou profitaient de la connexion internet gratuite.
Alors que je sirotais un jus de fruits, le regard vague, un détail attira soudain mon attention. Un homme, jeune, vêtu d'une veste blanche avec un col bleu, blanc, rouge fit irruption dans la salle. Je n'en croyais pas mes yeux : quoi, l'un des Meilleurs Ouvriers de France (MOF), ici, à Bujumbura, au Café Gourmand ? Unbelievable ! Il fallait que j'en aie le cœur net. Après avoir passé quelques minutes toutes antennes sorties et les yeux comme les caméléons, je l'ai happé dès qu'il est repassé. Un scan rapide de sa blouse me confirma que Sylvain Herviaux était bel et bien MOF, lauréat de l'année 2011. Que de persévérance, de travail, et d'abnégation pour avoir le droit de porter ce col distinctif ! En effet, depuis 1969, date de création de ce concours, seulement 77 boulangers dans toute la France ont obtenu ce titre qui est la consécration absolue. Ce concours extrêmement difficile se déroule sur dix huit mois et voit au cours des épreuves les rangs se clairsemer. Seule une poignée de candidats pourront accéder à la finale et prouver leur maîtrise totale de leur métier de boulanger (création de nouveaux pains, nouvelles saveurs, nouvelles formes), et démontrer leur talent de créateur et d'artiste. Car, comment reproduire la phrase imposée en 2011 : « Blaise Pascal, cet Auvergnat de Génie » si l'on n'est pas soi-même génial ! Et Sylvain Herviaux, grâce à un travail titanesque, a su représenter, à l'identique, et en pain, le bureau de Pascal.

Mais, que Diable faisait-il ici, à Bujumbura, au Café Gourmand, à des milliers de kilomètres de Boisgervilly où il fit ses premiers pas de boulanger avec son père et son grand-père ?

Formateur et ami de Hermann Ferga, Directeur du Café Gourmand, Sylvain Herviaux était déjà venu au Burundi, il y a un an, pour, ensemble, former le personnel et mettre en place une gamme de pains, viennoiseries et pâtisseries. Cette année, pour ce premier anniversaire, sa mission était de poursuivre ce qui avait été initié et de tester les nouveaux produits que vous découvrirez bientôt. Mais, si le Café gourmand a réussi son pari de maintenir une excellente qualité, d'innover, et d'aller au-delà des attentes de ses clients, ses ambitions n'en restent pas là. Avec la complicité de Sylvain, le Café Gourmand a l'intention de faire rayonner le Burundi sur le plan international en se présentant à la Mondiale du pain en ... 2017. Au fait, une question : n'est-ce pas la date des prochaines élections présidentielles françaises ?

mercredi 1 mai 2013

RDCongo - Visite à Baraka, Sud-Kivu

Baraka en quelques images (merci Luca et Eric)

Baptisée Baraka au 19ème siècle par les Arabes qui étaient venus s'installer dans cette ville du Sud Kivu, dans le territoire de Fizi, Baraka, abandonnée par la chance ne ressemble plus à rien. Une ville au bout du monde, accessible uniquement en gros 4x4 robustes, car les routes comme vous l'avez vu dans le message précédent, sont une torture pour la colonne vertébrale.
Camion renversé
Avec les pluies récentes, les routes se sont encore dégradées et le voyage se transforme en véritable expédition. Près de cinq heures maintenant pour relier Bujumbura à Baraka. Des ponts ont été emportés par les eaux et les énormes crevasses qui se sont formées laissent perplexes les chauffeurs non expérimentés. On ne compte plus les camions qui se renversent et les véhicules qui s'embourbent et sur certains tronçons il est recommandé de partir à plusieurs véhicules pour pouvoir être aidés dans les moments critiques, lorsque votre voiture disparaît dans les trous et que seul son toit est encore visible.
Pont emporté par les eaux
Et, toutes ces heures de routes, de fatigue et de stress, pour quoi ? Parce que, dans toute cette désolation les populations ont besoin des humanitaires, sur place, pour bénéficier de leur savoir et de leur aide dans leur quotidien. Belle initiative mais que la route est longue pour que toutes ces personnes puissent, elles aussi, avoir un jour accès à tout ce qui nous semble si normal: l'eau, l'électricité, la santé et l'éducation.

Petite fille sans jouet
Des enfants se sont construit une balançoire
Ecole en banlieue
Rue principale de Baraka
Marché de Baraka
Mur du stade Maendeleo de Baraka
Piste d'atterrissage de Baraka où des avions humanitaires se posent encore
Une rue de Baraka
Au bord du lac Tanganyika près du centre de Baraka




Cases au compound du projet humanitaire GIZ

jeudi 18 avril 2013

Bonne route pour le Congo !

Bujumbura, capitale du Burundi, Baraka, ville du Sud Kivu de l'autre côté du lac Tanganyika, 128 kilomètres et plus de quatre heures de piste pendant lesquelles votre tête semble vouloir se dévisser du reste de votre corps et où vos vertèbres jouent des castagnettes à chaque crevasse. Et des crevasses, il y en a !
 Et dire que cette distance est couverte en France en une heure si, bien sûr, l'on ne redoute pas les radars et la perte de points sur son permis de conduire. Ici les menaces sont toute autres, s'embourber, traverser les rivières, éviter les chèvres, les bicyclettes, les motos-taxis et dépasser des camions en surcharge avec, pour couronner le tout, une armada de mineurs, juchés sur des sacs, des bidons, des jerrycans, du matériel, et tous en équilibre précaire. Mais, pour la Mzungu que je suis, l'expédition vaut son pesant de manioc !



Après voir passé la frontière qui ne prend que quelques minutes grâce au « demi congolais » qui nous est délivré et au maintes connaissances de notre chauffeur, l'expédition peut commencer. Dès que l'on arrive sur le sol congolais, les routes qui ne sont pas les meilleures du monde au Burundi se transforment en chemin caillouteux avec une succession incroyable de dos d'éléphants qui vous donnent tout de suite la mesure de ce qui va suivre.

Après Uvira, ville frontière entre les deux pays, les choses se gâtent. Ne vous aventurez pas à boire un coca car il ressortira par vos narines. Non, trouvez déjà la position qui vous permettra de ne pas ressembler à une poupée désarticulée à la fin du voyage et surtout admirez les paysages. Votre souffrance est très vite récompensée par des paysages splendides, des collines verdoyantes, les eaux bleues du lac et les milliers de palmiers et de bananiers qui bordent la piste. Les villages suspendus dans les collines se décrochent petit à petit pour se rapprocher de la chaussée. Partout, des villages traditionnels avec des maisons en terre et en briques, des puits où les enfants viennent s'approvisionner en eau et des femmes, tout au long de la piste, avec dans le dos des paniers débordants de manioc ou de bois et sur la tête des bidons jaunes de récupération.
 Si vous vous arrêtez surgissent de partout des individus que vous n'aviez pas vus et lors de la traversée des rivières qui peut être une véritable aventure pour un chauffeur non averti, des enfants, parfois nus, parce qu'ils prennent leurs bains, s'approchent de la voiture pour réclamer des bouteilles en plastique pour les remplir de « kotiko », nom de la bière locale.

La route est un spectacle permanent et à votre arrivée à destination, après avoir fait quelques mouvements pour vérifier que tous vos os étaient encore en place, vous n'avez qu'une seule question : Alors demain, on va où ?