A mon retour de Montréal, je m'arrête chez moi, à
Orange, pour déposer ma valise pendant quelques jours avant de continuer mon
voyage vers Bujumbura. Il est tard. Je suis fatiguée, et je souffre du décalage
horaire. Je m'approche de la porte-fenêtre pour regarder le jardin intérieur
entouré de très hauts murs. Soudain, deux billes lumineuses me fixent. Je fais
un bon en arrière. Mon cœur bat à tout rompre. Je pense aux mauvaises séries
que j'ai vues. Je secoue la tête pour remettre mes idées en place et rouvre les
yeux. Plus rien. C'est pire. Je n'ai pas eu une hallucination. Mon imagination
galope. C'est un vieil immeuble du 17ème et quand nous nous sommes
installés, le propriétaire précédent nous a expliqué qu'il avait tout
"blanchi" y compris la cave romaine qui donne directement accès au
salon. Des anciens Orangeois, au sens de l'humour particulier, nous avaient
même dit que l'immeuble était construit sur un cimetière. Toutes ces histoires
me reviennent. C'est l'horreur.
trouvé sur http://www.dinosoria.com/chat_noir.htm Le chat était apparenté au Diable au Moyen-Age. By HiggySTFC |
C'est à peine si je n'entends pas des chaînes autour
de moi et des voix venues d'outre tombe m'appeler. Mes méninges dansent la carmagnole,
non, c'est la danse des revenants. Je m'enferme dans ma chambre, essaie de
chasser ces mauvaises idées et m'endors... avec la lumière. Le lendemain,
plantée devant la porte fenêtre, je suis en proie à une profonde réflexion. Que
faire ? Quand soudain un chat noir montre le bout de sa queue. J'ai peur
des chats, sauvages, et surtout des noirs. En Afrique on dit qu'ils sont
porteurs de mauvaises nouvelles ou l'incarnation de mauvais esprits. Ma parano
me reprend. Du calme, me dis-je. Réfléchis. Mais, plus je réfléchis, et moins
je comprends comment a-t-il pu arriver ici. Je prends mon courage à deux mains
pour l'appeler et m'approcher de lui. Il me montre les dents et émet des grognements
bizarres. Ni une ni deux, je fais demi tour et appelle un voisin qui arrive
avec des croquettes. Sans plus de succès. J'ai appelé les pompiers qui m'ont gentiment
ri au nez, la police municipale, a "d'autres chats" à fouetter, la
femme de ménage a peur des chats, et impossible de joindre la spa les week-end
et les jours fériés. Alors, que faire ? J'ai passé ces quelques jours barricadée
chez moi avec des cadavres de pigeons qui gisent, le matin devant ma fenêtre.
Le soir, j'aperçois l'ombre du chat, grossie par la lumière, qui rôde et je
ferme les yeux. Demain matin, je pars et pour de longs mois. Dans un pays où
des intellectuels ont signé un manifeste pour le droit des animaux, je me demande
pourquoi il est impossible de trouver quelqu'un pour déloger un chat, qui, à
mon départ, n'aura que le droit de mourir.
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