Rubana vous ne connaissez pas. C'est normal. Il y a trois mois je ne
connaissais pas non plus, mais là-bas, en RDC, à vingt minutes en
bateau de Baraka, sur la presqu'île d'Ubwari, des femmes viennent de
découvrir, pour la première fois, les magazines féminins et
l'actrice kényane Lupita Nyong'o.
http://blogs.lexpress.fr/styles/froggista/2014/01/13/lupita-nyongo-future-reine-des-tapis-rouges/ |
Lors d'un déplacement précédent à Rubana, il m'était venu à
l'idée de revenir voir ces femmes pour qui la beauté importait
tant, avec des magazines féminins, pour saisir leur étonnement et
enregistrer leurs réactions. L'auditoire en place, je commence à
feuilleter avec elles, les magazines africains que j'avais
sélectionnés. Le silence. Elles approchent leur visage des
mannequins immortalisés sur papier glacé et se regardent
dubitatives. Les femmes au teint clair et aux longs cheveux séduisent
et arrive enfin Lupita Nyong'o. Elles secouent la tête et froncent
les sourcils. Alors comment la trouvez-vous ? « Elle n'est
pas belle, elle est trop noire et ses cheveux sont trop courts ».
Je les laisse s'exprimer et leur montre de nouvelles photos de la
star kényane, éblouissante dans sa robe de gala rouge. La robe fait
son effet. Je leur explique qu'il s'agit toujours de la même
personne, qu'elle est africaine comme elles, qu'elle vient d'un pays
poche du Congo et qu'elle est considérée comme l'une des plus
belles femmes du monde. Les origines africaines de Lupita, la
proximité des deux pays et sa célébrité stimulent leurs rêves.
« Mais nous, qu'est-ce qu'il faut faire pour être comme
elle » ? Pour dissimuler mon embarras, je pose mon regard
sur une petite fille de 9 mois et m'attarde sur ses grands sourcils
dessinés au crayon noir. « On va s'acheter du mascara au
marché de Baraka », dit l'une d'elles d'un ton enjoué et on
sera encore plus belles qu'elle ». Lupita Nyong'o vient de
faire son entrée à Rubana. Sans doute ne retiendront-elles pas son
nom mais un après-midi d'avril, sous le grand manguier de la place
du marché de Rubana, elle aura fait naître chez ces jeunes
cultivatrices coupées du monde, l'espoir d'être, un jour, célèbres
et de voyager bien au-delà de leur presqu'île.
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