Pendant les 4 années où j'ai résidé au Laos, des amis et moi
parions que tôt ou tard une catastrophe aérienne se produirait. La
seule inconnue était la ligne mais nous envisagions deux
destinations Vientiane-Pakse-Siem Reap et retour et Luang Prabang.
Les Nations Unies avaient interdit à leurs experts de voyager avec
Lao Airlines et les personnes qui se déplaçaient à titre privé ou
qui travaillaient pour des organisations moins draconiennes,
préféraient ignorer les risques qu'ils couraient.
Personnellement, je n'ai pas oublié mon retour de Siem Reap au
Cambodge lorsque notre avion, très incliné, perdait rapidement de
l'altitude. Après s'être posé sans que nous sachions exactement
où, nous avions attendu longtemps avant d'être évacués. Les
membres de l'équipage allaient et venaient dans l'avion avec des
extincteurs sans nous parler. Des hublots, nous ne voyions que les
rizières. Une passagère à bout de nerfs et exaspérée par
l'attitude du personnel s'était levée et avait interpellé avec
véhémence une hôtesse, qui nous avait assuré que tout allait bien.
C'est seulement après un long moment que nous avons quitté
l'avion, toujours sans explication.
Le lendemain, je me suis rendue à l'agence de voyage qui m'avait vendu
les billets pour lui exprimer mon inquiétude et demandé si elle
était au courant de la catastrophe que nous avions frôlée. "Oui",
m'avait-on répondu, "il y a eu un problème technique" ; fin de la
discussion.
Ce crash de Lao Airlines de cette semaine est une vraie
catastrophe, même si je ne suis pas vraiment surprise.
Servira-t-il d'exemple aux autres compagnies ? Je pense en
l'occurrence à Kenya Airways (The Pride of Africa) qui laisse ses
passagers en rade soit car ils ne sont pas assez nombreux soit au
contraire parce que les vols ont été surbookés. Cela est désagréable
mais ne présente pas de danger. En revanche, se retrouver cloué à Paris
dans un de leurs avions dont la porte ne ferme pas ou
survoler trois fois Kinshasa à cause d'un problème de
train d'atterrissage est bien plus inquiétant.
dimanche 20 octobre 2013
jeudi 17 octobre 2013
Livre : Amélie Nothomb, la Nostalgie heureuseUne sincérité troublante
image : fnac |
Un jour où Amélie Nothomb était invitée à une conférence à Carpentras dans le sud de la France, elle fut interpellée par un membre de l'assistance sur sa production littéraire pléthorique et la qualité inégale de ses romans. Sans complexe elle compara ses livres à des enfants, tous uniques, tous différents, parfois plus ou moins réussis, mais toujours dignes d'amour.
Avec son livre « la nostalgie
heureuse », elle vient de signer un très beau récit qui m'a
frappée par sa sincérité. Il n'est pas toujours facile de parler
de soi en respectant l'objectivité et il est encore plus difficile
de se mettre en scène dans des circonstances ingrates ou peu
flatteuses. Amélie Nothomb ne joue pas à la star. Elle s'en moque.
Elle est un écrivain célèbre, certes, et elle le sait, mais elle
est avant tout une femme, comme les autres, avec une sensibilité
exacerbée, ses faiblesses, ses sentiments, ses doutes, ses peurs et
ses interrogations. Et des interrogations, elle en a en permanence
par crainte de décevoir ou d'être déçue.
Dans son livre elle nous fait visiter
le Japon de son enfance, de l'âge adulte et de l'amour. On
l'accompagne à la redécouverte de certains lieux qui furent les
siens, des lieux où elle fut heureuse car le Japon vit en elle.
Magnifique narratrice, elle nous balade, toujours avec pudeur et
respect dans sa vie même si parfois elle élève des barrières que
nous respectons.
Nostalgie heureuse est l'un des
meilleurs livres que j'ai lus lors de cette rentrée littéraire et
son style est presque une offense pour tous les jeunes auteurs, tant
elle écrit bien.
RD-Congo : Une case, quatre classes
Nous nous garons à côté d'un bâtiment
rectangulaire au toit de chaume, sans porte et sans fenêtre. Juste des rondins
de bois superposés. C'est une école me dit-on. Je m'approche et regarde par les
interstices. Des dizaines de minois se tournent vers moi. Un jeune instituteur
sort saluer la délégation, un vieux manuel de français à la main. Une
discussion s'engage. Il nous explique son travail et les conditions dans
lesquelles il le dispense. Dans cette école, soixante neuf enfants assis à même
le sol sont répartis en 4 sections. Pendant qu'il donne ses explications, je
m'éclipse pour entrer dans la case et
regarder de plus près tous ces enfants, trop pauvres pour espérer un jour
étudier loin de leur village. La petite Ayélé qui sommeille en moi n'est jamais
très loin et je ne peux m'empêcher de penser que si ma mère ne s'était pas
occupée de moi, j'aurais pu, moi aussi, grandir comme eux. Sans espoir.
Dans la case, deux tableaux, un devant lequel
un élève de la grande section conjugue l'auxiliaire être au futur. Certaines
terminaisons sont fausses. J'établis avec lui un langage des signes pour lui
montrer ses erreurs et qu'il les corrige. Après avoir gentiment triché dans le
dos de l'instituteur toujours occupé à palabrer, je me retourne vers le tableau
de la petite section. Aïe ça se corse. Une phrase écrite en Kiswahili. Je sens
que malgré leur intimidation de voir une Mzungu dans leur classe, ils n'ont qu'une
seule envie, se payer ma tête. Leurs yeux rigolent même s'ils essayent de ne
pas sourire. Je me lance. Après avoir lu ma phrase avec maintes hésitations, je
les abandonne à leurs éclats de rire.
Avant de prendre congés de l'instituteur, je
lui demande si tous les enfants sont là. Non, à peine 40 %. Seuls sont
présents ceux dont les parents ont pu payer les frais de scolarité : 1
Euro/mois. Ce constat me désole et je
veux me raccrocher à une perspective plus positive. Combien d'entre eux
pourront alors étudier plus tard à l'université. La réponse tombe,
brutale : aucun.
Nous remontons dans nos véhicules pour
poursuivre notre visite. Je pense aux Nations Unies et aux objectifs du
millénaire qui prévoyaient d'assurer l'éducation primaire pour tous. Bibokoboko
en est-il exclu ? Derrière moi, je laisse des dizaines d'enfants qui
resteront toujours en dehors de la marche du monde, malgré le sacrifice des
parents pour les scolariser.
mercredi 16 octobre 2013
RD-Congo : Le village sans nom
Avant d'arriver dans les moyens
plateaux à Bibokoboko, un village a vu le jour il y a à peine trois
ans et ne cesse de s'étendre. Les cases se succèdent, certaines
sont en construction et les briques sur le bord de la piste nous
confirment que l'exode pour le village sans nom, n'est pas terminé.
Tout a commencé avec la construction d'une piste par la coopération allemande (GIZ) entre Bibokoboko et Baraka, Sud Kivu. La région, moins enclavée, permettait à la population constituée en grande majorité d'éleveurs, de se rendre plus facilement dans la grande ville, au marché et à l'hôpital. Car, si à l'époque, la population n'avait pas d'autres choix que d'être acheminée, à pied, au dispensaire le plus proche, accompagnée de prières aux aïeux pour que leur fin soit différée, il en est tout autre aujourd'hui. En effet, les urgences médicales se font par mobylette, -si elle est disponible- et être malade ou sur le point d'accoucher, assise à califourchon sur un porte bagages requiert encore une assistance divine de tous les instants pour ne pas rejoindre St Pierre prématurément ! Mais, c'est malgré tout un immense soulagement pour la population de savoir qu'une évacuation est toujours possible.
Ainsi donc, cette piste a changé la vie des autochtones, des éleveurs surtout, et a drainé des cultivateurs dans la plaine. Comme aux États-Unis il y a des siècles les gens arrivent avec baluchon et famille et s'installent là où la terre est gratuite et cultivable. Et de la terre il y en a ! Le Congo est immense et n'importe qui peut installer sa case à la campagne sans les tracasseries du cadastre, de l'urbanisme ou des titres fonciers. L'immensité est à leur portée. Des terrains à perte de vue où les familles peuvent s'installer pour cultiver le manioc, la patate et le haricot. Comme le village que j'ai volontairement baptisé "le village sans nom". Beaucoup d'autres ont éclos dans la région. Des cases rondes ou rectangulaires qui abritent une population discrète et laborieuse, oubliée des instances dirigeantes qui siègent dans les bureaux feutrés de Kinshasa et qui doit son salut à la coopération technique étrangère.
Tout a commencé avec la construction d'une piste par la coopération allemande (GIZ) entre Bibokoboko et Baraka, Sud Kivu. La région, moins enclavée, permettait à la population constituée en grande majorité d'éleveurs, de se rendre plus facilement dans la grande ville, au marché et à l'hôpital. Car, si à l'époque, la population n'avait pas d'autres choix que d'être acheminée, à pied, au dispensaire le plus proche, accompagnée de prières aux aïeux pour que leur fin soit différée, il en est tout autre aujourd'hui. En effet, les urgences médicales se font par mobylette, -si elle est disponible- et être malade ou sur le point d'accoucher, assise à califourchon sur un porte bagages requiert encore une assistance divine de tous les instants pour ne pas rejoindre St Pierre prématurément ! Mais, c'est malgré tout un immense soulagement pour la population de savoir qu'une évacuation est toujours possible.
Ainsi donc, cette piste a changé la vie des autochtones, des éleveurs surtout, et a drainé des cultivateurs dans la plaine. Comme aux États-Unis il y a des siècles les gens arrivent avec baluchon et famille et s'installent là où la terre est gratuite et cultivable. Et de la terre il y en a ! Le Congo est immense et n'importe qui peut installer sa case à la campagne sans les tracasseries du cadastre, de l'urbanisme ou des titres fonciers. L'immensité est à leur portée. Des terrains à perte de vue où les familles peuvent s'installer pour cultiver le manioc, la patate et le haricot. Comme le village que j'ai volontairement baptisé "le village sans nom". Beaucoup d'autres ont éclos dans la région. Des cases rondes ou rectangulaires qui abritent une population discrète et laborieuse, oubliée des instances dirigeantes qui siègent dans les bureaux feutrés de Kinshasa et qui doit son salut à la coopération technique étrangère.
dimanche 6 octobre 2013
La lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson :une vie de solitude
Image: amazon.com |
La lettre à Helga, de Bergsveinn Birgisson a connu un vif succès dans
les pays scandinaves et vient d'être traduit en français. Il fait partie
des recommandations de la rentrée littéraire.
Bjarni Gislason, éleveur de moutons en Islande, se partage entre ses
troupeaux, les pêches solitaires et sa tâche de contrôleur du fourrage.
Marié à Unnur, qui n'a jamais pu avoir d'enfants et qui parle d'elle "comme une brebis stérile bonne à mettre au rancard", il succombe, un
jour, sur un tas de foin, "aux mamelons sacrés" d'Helga et à "ses
hanches qui s'évasent à partir de la taille".
Mais, malgré la passion qu'il éprouve pour cette femme, et l'enfant
illégitime qu'elle porte, il refusera de s'installer avec elle à
Reykjavik, la capitale. Il ne peut abandonner la terre de ses aïeux, sa
campagne et ses moutons. Une immense solitude va s'emparer de lui et il
va vivre chaque jour de sa vie avec la lueur d'espoir de retrouver
l'amour.
Ce roman écrit comme un monologue est une histoire d'amour impossible
qui met en exergue la dualité de Bjarni qui préférera rester toute sa
vie auprès de sa femme, même s'il ne l'aime pas. Le thème de l'homme qui
renonce à l'amour, à une maîtresse par crainte, faiblesse ou lâcheté
n'a rien de novateur. Hélas ! Toutefois la confession de ce vieillard
qui se dépeint comme "un bonhomme qui a préféré croupir plutôt que
suivre l'amour" reste très émouvante.
mardi 1 octobre 2013
Errance et Indifférence :une femme et son fils arrivés des Comores passent toute une nuit à Lyon St Exupéry, dans l'indifférence totale
Fatiguée, j'arrive à l'aéroport de Lyon St Exupéry en
provenance de Bujumbura. Le vol a décollé avec près de trois
heures de retard et je n'ai qu'une seule hâte, prendre le
premier train pour Avignon et arriver chez moi pour me reposer
quelques instants avant le mariage. Après avoir attendu en
vain ma valise qui est restée à Bruxelles, je décide de ne pas
perdre plus de temps et je me rends directement à la gare TGV de l'aéroport. Il est déjà midi. Les passagers vont et
viennent. Certains scrutent les tableaux de départ, d'autres,
assis, attendent patiemment leur train. A quelques mètres
d'eux, une femme d'une trentaine d'années, noire, l'air abattu, attire
mon attention. Elle erre dans le hall de la gare. Elle
avance, recule, hésite. Elle ne sait où aller. Elle semble
exténuée. D'énormes cernes creusent son visage. Intriguée, je
m'approche d'elle pour lui demander si elle a besoin d'aide.
La gare tgv St Exupery; image: es.wikiarquitectura.com |
Pour essayer de régler son problème rapidement dans une France
que je connais, je lui demande de me suivre, -non pas parce
que j'ai la bonne couleur-, mais j'ai au moins l'habitude de
me frotter à mes concitoyens. Des regards réprobateurs
commencent à nous scruter, le préposé de la SNCF pour se
débarrasser de nous, nous propose une solution onéreuse,
inacceptable pour la jeune femme. Il faut dire qu'en même
temps, il commente au téléphone avec un collègue, les numéros
gagnants du loto. Pendant trois quarts d'heure, on nous a
baladées d'un endroit à l'autre, du comptoir SNCF au comptoir
OUIGO en sous sol à côté des toilettes, avec comme seul
interlocuteur un interphone et une voix. Jamais je n'aurais pu
imaginer une telle indifférence. Des vigiles nous ont indiqué
des personnes que nous n'avons jamais trouvées. Enfin, après
avoir tourné en rond assez longtemps, je décide, excédée, de
retourner au comptoir SNCF pour trouver une solution. Le
"lotoman" avait disparu, il était l'heure du déjeuner, et il
était remplacé par une femme qui après avoir entendu le
calvaire que venaient de vivre la passagère et son fils, a
immédiatement accepté de changer les billets de train, sans
pénalité.
De soulagement, la jeune femme s'est mise à sangloter et a
remercié Dieu. Nous avons voyagé ensemble jusqu'à Avignon.
Aujourd'hui je pense encore à elle et je l'imagine à
Marseille. J'espère qu'elle passe un bon séjour et je suis
sûre que sa mauvaise expérience se sera dissipée dès qu'elle
aura soulevé le couvercle de sa glacière et qu'elle aura
partagé avec sa famille quelques douceurs des Comores.
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